Beaucoup de choses ont été dites, d'autres le seront encore à propos de l'ONU qui, depuis la fameuse apostrophe de Charles de Gaulle - qui, méprisant, traitait de «machin» cette ONU qui eut l'outrecuidance d'ouvrir le dossier de la Guerre d'Algérie -, a eu à essuyer d'autres interpellations peu amènes. Il est vrai que l'Organisation des Nations unies ne laisse point indifférent, notamment les grands qui la conçoivent peu ou prou, de par leur position particulière induite par leur droit de veto, plus à leur service qu'à celui de la paix et de la sécurité dans le monde. Nombreux sont ceux qui se sont demandé, ces dernières années, à quoi servent, ou peuvent bien servir, les Nations unies. Le dernier en date à se poser la question n'est autre que le président des Etats-Unis, George Walker Bush, lui-même. Exaspéré par le fait que le monde ne semble pas comprendre ce que lui considère comme urgent, frapper l'Irak, le président Bush, recevant à Camp David le président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, a déclaré à propos des Nations unies: «Ou bien l'ONU sera en mesure d'agir comme une organisation indépendante chargée du maintien de la paix, alors que nous entrons dans le XXIe siècle, ou bien elle perdra sa raison d'être.» Soulignant: «C'est ce que nous allons voir», avant d'ajouter: «Il faut donner une nouvelle chance à l'ONU pour prouver qu'elle sert à quelque chose.» Venant d'une autre personnalité, on aurait pu estimer que ce sont là des paroles sensées, s'inquiétant enfin du rôle que devaient assumer les Nations unies, partout dans le monde et en toute circonstance. Mais la vérité est autre. Aussi, quand c'est le président américain qui prononce cette sentence, il est permis, à la limite, de se dire que c'est du n'importe quoi. En effet, comment pouvait-il en être autrement lorsque l'on sait que ce sont les Etats-Unis qui, de par l'usage abusif qu'ils font de leur droit de veto pour protéger Israël des condamnations du Conseil de sécurité pour les exactions qu'il commet continûment dans les territoires occupés, ont fait perdre à l'ONU son autorité et sa raison d'être. Sans remonter dans le temps, revenons aux deux dernières années durant lesquelles par deux fois Washington a fait obstacle à l'ONU en l'empêchant de jouer son rôle premier et essentiel de maintien de la paix. D'abord, en bloquant par son veto, en mars 2001, l'envoi d'une force d'interposition des Nations unies dans les territoires occupés, ensuite, en juin de cette année, d'avoir fait obstruction à la mission d'enquête mise sur pied par le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, pour savoir ce qui s'est passé réellement à Jénine et dans les territoires occupés, où l'armée israélienne avait commis d'horribles crimes de guerre. Les Etats-Unis, qui, ont fait pression sur l'ONU - qui a dû renoncer à l'envoi de cette mission, dirigée par l'ancien président finlandais Martii Ahtisari - ne voulaient pas connaître la vérité sur ce qui a eu lieu à Jénine, mais pressent la communauté internationale à porter la guerre contre l'Irak, dont rien ne prouve, à l'heure actuelle, qu'il est en train de se réarmer. Deux poids, deux mesures? De fait, c'est surtout la raison du plus fort qui fait agir ainsi M.Bush. Car, les propos du président américain auraient été crédibles et les bienvenus si, effectivement, l'ONU avait l'indépendance d'agir partout de la même manière pour la sauvegarde de la paix et de la sécurité dans le monde. La communauté internationale sait qu'il n'en est rien, puisque depuis 1948, date de sa création, Israël se comporte comme un Etat au-dessus des lois et du droit internationaux, conforté dans cette attitude de défi par le soutien inconditionnel que lui apportent les Etats-Unis. Après tout, de par le veto américain, l'ONU n'a toujours pas réussi à faire appliquer par l'Etat hébreu la résolution 242 de 1967, exigeant pourtant d'Israël de se retirer «sans délai» des territoires palestiniens occupés. Nous sommes en 2002, et Israël n'est ni prêt ni ne donne l'impression qu'il a l'intention de se retirer un jour de ces territoires. Faut-il aussi préciser que le dossier du Proche-Orient a été retiré depuis belle lurette aux Nations unies, pour être du seul ressort des Etats-Unis et d'Israël...juge et partie? Aussi, si l'ONU est aujourd'hui mise en état de subordination, cela est dû d'abord aux agissements des tenants du droit de veto qui se sont mis, eux et leurs protégés, hors des normes et lois communes imposées à la communauté internationale. Si la question: «A quoi sert l'ONU?» est devenue récurrente, c'est bien le fait des Etats-Unis eux-mêmes et des autres grandes puissances dont la responsabilité est grande dans la dévalorisation du rôle de l'ONU dans les affaires qui touchent à la stabilité, à la sécurité et à la paix dans le monde.