Le programme des 8es Rencontres cinématographiques de Béjaïa se poursuit, mais ne ressemble pas aux précédents. Lundi dernier, ont été projetés au Théâtre régional de Béjaïa (TRB) Abdelmalek-Bouguermouh, une dizaine de courts métrages dont une série réalisée par les élèves de l'Ecole supérieure des arts visuels de Marrakech et la Cinémathèque de Tanger dans le cadre d'une «Carte blanche» au jeune cinéma marocain. Avant cela, quelques courts métrages algériens ont été présentés au public dont «celui qui attira notre attention L'Année de l'Algérie en France, 2008», réalisé par May Buhada. Dans le cadre de ce court métrage, on cherche des acteurs d'origine maghrébine pour un film historique. Le casting rassemble un certain nombre d'acteurs, fraîchement sortis des cours parisiens. Leur profession les a déjà amenés à miser sur leur physique typé et leur culture familiale. Pour autant, individuellement, chacun a son histoire très française. Ceci est le synopsis du film. En fait, un réalisateur algérien encadre ce casting dans le film. Il est aussi frappé par la différence entre ces jeunes et les aînés. Perte de valeurs traditionnelles? Ou tout simplement un état de fait d'une évolution. Le casting se poursuit jusqu'à ce qu'il tombe sur un jeune et son amie black. Tous deux pourtant réussiront à faire passer beaucoup d'émotion malgré leur éloignement de l'univers maghrébin. Le film de May se veut bourré de clichés sur les Maghrébins pour les contrecarrer justement, et parler hélas! d'une réalité. Les Maghrébins sont souvent cantonnés dans le rôle de l'Arabe. Jusqu'à quand? s'interroge May. Aussi, on fait souvent appel dans des films à grand budget à des comédiens d'origine magrébine plutôt qu'à des gens du pays. Comme si l'Algérie ne possédait pas de bons comédiens.. Dans un registre tout aussi humain et sensible, est la série de documentaires marocains dont le point commun est la description d'un vécu, d'un quotidien parfois morne ou difficile dans le Maroc contemporain, entre vicissitude de la vie et lueur d'espoir... Le soir, la salle du TRB, plus pleine que pendant la journée, a présenté deux films différents par leur formats mais proches par la thématique. Le premier est un court métrage, signé Yasmine Chouikh. Un film qui a fait partie de la prestigieuse sélection du Short Film Corner au récent Festival de Cannes. El Djinn est son nom. Il s'agit du deuxième film de la réalisatrice après El Beb (2007). L'histoire, déclinée comme un conte ou une fable a pour objet le devenir de la femme dans une société castatrice comme la nôtre. Depuis la nuit des temps, chaque fille de la tribu, devenant pubère, a six jours pour prouver qu'elle n'est pas la proie d'un djinn. Le jour de sa puberté, Amber subit la même initiation que ses aïeules une initiation rythmée par des rituels immuables. Elle a trois jours pour échapper au djinn qui hante son village, mais sa rencontre avec Amal qui n'est autre que le double symbolique d'elle-même, va tout bouleverser. Tourné à Taghit, un lieu magique qui s'est imposé d'office à la réalisatrice en raison de son attachement à cette région qu'elle connaît très bien, ce film véhicule un message fort symbolique, gâché un peu par une certaine lourdeur au niveau de la mise en scène qui paraît flottante. Quoique beau et servi par des dialogues poignants très suggestifs, le film se noie dans une sorte de torpeur sans beaucoup de chaleur, malgré la beauté féerique du site de tournage et celle de la comédienne. Réalisé dans de mauvaises conditions, notamment climatiques mais pas techniques, El Djinn développe un sujet fort épineux, celui lié à la liberté de la femme et son désir d'épuisement féminin, que notre société tend, à tout prix, de réprimer. Dans un autre registre fictionnel cette fois, le film de Myriam Aziza, La Robe du soir rejoint en quelque sorte le court métrage de Yasmine Chouikh dans sa concentration sur la naissance de cet appel à l'amour. Juliette 12 ans, timide et mal dans sa peau, voue un véritable culte à son professeur de français, madame Solanska. Belle quadragénaire, souvent provocante, madame Solanska aime séduire son jeune auditoire: sa classe est son théâtre et ses élèves, ses meilleurs spectateurs. Persuadée d'être son élève préféré, Juliette imagine une relation privilégiée avec cette femme...Jusqu'à ce qu'elle voit un de ses camarades sortant de chez elle. Juliette commence à imaginer des choses. Elle devient jalouse de ce présumé couple imaginé entre son camarade et son professeur, campé par la belle et piquante Lio. Ce film, très touchant, montre le syndrome d'identification chez les jeunes, a fortiori, ici porté par une pré-adolescente qui, en manque de repères parentales, s'est prise d'attachement pour son professeur jusqu'à vouloir lui ressembler. La petite fille devant le miroir apprend à se maquiller et met la robe de soirée de sa mère. Elle se «déguise» en une femme adulte. Elle veut sans doute grandir trop vite pour pouvoir affirmer enfin, cette troublante féminité qu'elle ne possède pas encore. Brûler les étapes n'est pas bon pour le psychique. Mais contrairement à «nous», cette fille aura tout le loisir et la liberté pour découvrir la femme qui est en elle.