L'Expression a contacté hier par téléphone l'épouse du président du Mouvement de la société pour la paix, MSP, et présidente d'une association pour la protection des droits de l'enfant hier matin, quelques heures avant son retour au pays. A partir de la Jordanie, elle revient sur les circonstances de l'assaut donné par l'armée israélienne contre la Flottille de la liberté et celles de sa détention dans la prison Dar Essaba ainsi que sur les abus subis lors de l'interrogatoire mené par les Israéliens. L'Expression: Mme Nadjwa Soltani, vous avez pris part à l'opération «Flottille de la liberté» qui voulait forcer le blocus imposé à Ghaza. Permettez-nous de revenir sur les circonstances du raid donné par les commandos israéliens. Nadjwa Soltani: L'assaut a été donné à minuit, dans l'obscurité. Des navires de guerre ont entouré la flottille de chaque côté alors que des hélicoptères ont commencé à tirer au moment où ils touchaient le pont du navire. Au début, ils ont jeté des bombes lacrymogènes pour neutraliser les activistes; quelques secondes après, nous avons entendu des tirs à balles réelles tuant sur le coup quatre personnes et blessant des dizaines d'autres, parmi elles le député algérien M.Zeouidi Mohamed. Nous ne pouvions afficher aucune résistance face à des commandos armés jusqu'aux dents. Des ordres nous ont étés donnés pour nous regrouper sur le pont du navire. Les mains ligotées, nous avons été reconduits ensuite à l'intérieur par des soldats cagoulés. Cela a duré plus de dix heures sous une température avoisinant les 50 degrés puisque les Israéliens ont décidé d'éteindre les climatiseurs. Le lendemain, l'armée israélienne a commencé à nous interroger un par un. Avant d'arriver aux enquêtes, Israël a accusé les militants d'avoir déclenché les violences en attaquant les soldats avec des couteaux et des barres de fer. Les télévisons locales ont diffusé des images sur les armes blanches récupérées à bord des navires composant la flottille. Quel commentaire faites-vous sur ces déclarations? Je démens formellement l'existence d'armes à feu ou même d'armes blanches à bord de la flottille. Il n'y avait ni arme, ni bâtons, ni fourchette. Nous avions des ustensiles en plastique. Je défie les autorités israéliennes d'apporter une preuve sur ces accusations. Les navires transportaient des aides humanitaires, des médicaments, des vêtements et des vivres pour un peuple qui souffre le martyre. L'initiative est prise par des activistes pacifistes qui militent pour une cause juste. Le gouvernement israélien a tenté de trouver «un subterfuge» pour justifier son acte barbare contre des civils. Revenons maintenant aux enquêtes. Comment avez-vous été traités par l'armée israélienne? Nous avons été traités comme des criminels. Les enquêteurs ont confisqué nos matériels (appareils photo, caméras téléphones, micro-ordinateurs). Ils ont frappé les journalistes. Ils se sont atrocement conduits avec les femmes. Des fouilles à corps musclées ont été effectuées par quatre agents. Personne n'y a échappé. Personnellement, on m'a obligée à retirer mon foulard, C'est le cas de mes collègues. Un enquêteur m'a interrogée sur les raisons de ma présence en Israël alors que mon pays n'a pas de relations politiques avec l'Etat hébreu. Il m'a posé cette question en constatant que je détenais un passeport diplomatique. Je lui ai répondu que mon pays ne reconnaît pas l'existence de l'Etat hébreu et que le navire algérien se dirigeait vers les territoires libérés à Ghaza avant d'être détourné. Quelques heures après, j'ai reçu la visite d'un général de l'armée israélienne qui m'a fait subir le même interrogatoire. La même question revenait: pourquoi avez-vous fait ce déplacement, vous qui détenez un passeport diplomatique alors que vous n'avez pas de représentation diplomatique en Israël? Les autorités israéliennes ont conditionné votre libération de la prison de Dar Essaba et votre rapatriement à la signature de plusieurs documents. Peut-on avoir une idée sur la nature de ces documents? Premièrement, je tiens à souligner que la délégation algérienne n'a accepté de signer aucune feuille. Parmi les documents proposés, nous pou-vions lire un engagement inclus dans l'article 152 qui impose aux activistes de ne plus retourner en Israël. Les autorités israéliennes voulaient nous faire signer aussi un aveu à travers lequel nous reconnaissions que les commandos ont tiré sur les civils après avoir été agressés par les activistes. Ce qui est complètement inacceptable. Après la mésaventure que vous venez de vivre et les moments difficiles passés aussi bien à bord du navire algérien qu'à l'intérieur du lieu de détention à Ghaza, êtes-vous tenté de refaire l'expérience? Absolument! La question a été débattue par des activistes arabes et occidentaux originaires de 50 pays. De retour en Algérie, nous allons commencer les préparatifs pour l'organisation de la prochaine «Flottille pour la paix et la liberté» au profit des Palestiniens.