Du 29 mai au 4 juin, Béjaïa aura vécu au rythme du cinéma, de la découverte, de la réflexion, de l'enrichissement et du partage. La huitième édition des Rencontres cinématographiques de Béjaïa a pris fin vendredi soir dans la liesse au Théâtre régional de Béjaïa, avec la projection en première partie du court métrage La corde de Omar Zaâmoum. Un court métrage qui plaide pour le dialogue culturel entre deux communautés différentes mais à travers une mise en scène et des dialogues qui laissent à désirer. Omar Zaâmoum a bénéficié étrangement encore cette année de cet atelier d'écriture qu'encadrent deux spécialistes en la matière, à savoir Tahar Chikaoui et Jean-Pierre Morillon. La soirée de clôture qui a drainé beaucoup de monde était placée sous le signe de l'hommage rendu au grand réalisateur, décédé il y a 10 ans Azzedine Meddour. Le film datant de 1978 traite de la crise du logement de façon à la fois intelligente et humoristique. Un appartement inoccupé convoité par deux voisins de palier vivant dans l'exigüité, quoi de plus simple que de vouloir se l'approprier en rendant dingue son propriétaire, un homme à l'apparence bourgois. De façon burlesque, le film décrit également l'explosion démographique dans ces années-là où une famille comptait jusqu'à une dizaine d'enfants. Deux familles qui vont jouer une entourloupe au proprio de l'appart qui représente un peu l'homme de l'Etat. Si ce film a pu passer à la télévision au temps du parti unique, beaucoup d'autres films de Azzedine Meddour n'ont pas eu cette chance et ont été tout bonnement censurés. «Azzedine Meddour est un cinéaste important dans la cinématographie algérienne. En plus du talent, c'était un militant dont le cinéma se voulait utile pour la société», a souligné le réalisateur, producteur et comédien Belkacem Hadjadj qui, à l'époque, avait lancé avec Azzedine Meddour une société de production afin de faire des films parallèlement à leur métier au sein de la télévision. «Le talent de Azzedine Meddour devait être au service de certaines idées politiques, faut-il le souligner. On est rentré à la télé car c'est le média qui touche le plus possible de monde» a-t-il indiqué. Evoquant la situation du cinéma algérien actuel, Belkacem Hadjadj brossera un tableau peu reluisant du cinéma en Algérie. Partant de l'idée que le 7e art est une industrie, il se demandera comment peut-on parler de cinéma dans un pays tributaire de grandes manifestations sporadiques, dans un pays où il y a un minimum de quatre films qui se font dans l'année. Belkacem Hadjadj soulignera le fossé qui existe entre l'ancienne génération de cinéastes qui a bénéficié de formation à l'étranger en matière cinématographique et celle d'aujourd'hui qui fait du système de débrouille son cheval de bataille. Il soulignera le manque de formation de nos jeunes cinéastes tout en saluant leur mérite quant à leur acharnement à préserver ce domaine avec rage et passion. Il parlera en sa qualité d'aîné en exhortant les jeunes cinéastes à plus d'exigences envers eux-mêmes eu égard à la facilité des moyens dont dispose un cinéaste aujourd'hui pour faire un film, notamment la vidéo. Bref, Belkacem Hadjadj fera remarquer aussi que la télé, aujourd'hui, se veut encore plus verrouillée que par le passé et l'absence de volonté politique à aider et soutenir le cinéma algérien par le financement et autre. La neuvième édition des rencontres cinématographiques de Béjaïa aura lieu, annoncera Abdenour Haouchiche, président de l'association Project'heurts, entre les 10 et 13 juin 2011. En attendant, cette année les rencontres se sont caractérisées par la qualité des films programmés ainsi que par le professionnalisme du débat qui entourait chaque film. Seul bémol, l'absence du public au cours de la journée et le retard enregistré çà et là dans l'entame des séances de projection. Ambiance différente que celle de l'année dernière, les huitièmes Rencontres cinématographiques ont manqué un peu de visibilité dans la ville mais ont permis de se faire connaître par d'autres gens venus d'horizons divers, notamment de France, de Tunisie, de Wallonie-Bruxelles, du Maroc. Des géographies différentes avec des regards cinématographiques différents et originaux et un enrichissement au bout du compte, certain et irréfutable. Aussi «Comment parler des problèmes de ma société au cinéma, pour ma société?» tel que posé par Belkacem Hadjadj, ferait bien l'objet d'un débat aux prochaines rencontres. Car la problématique de savoir quel film pour quel public reste posée ainsi que celle de la «forme» du film, comme souligné par le producteur et réalisateur Mounes Khammar.