Les peuples qui n'arrivent pas à se nourrir correctement ne pourront jamais être stables. L'une des problématiques de la politique de sécurité alimentaire au Maghreb, réside dans le fait qu'«en cas de déficit, on recourt automatiquement à l'importation pour compléter la production nationale», a souligné, hier, Ahmed Belhamed, expert marocain en économie agricole, lors d'un séminaire intitulé, «L'agriculture maghrébine: instrument d'unification» organisé à Alger. «La sécurité alimentaire relève-t-elle d'un droit ou d'un objectif économique?», s'est-il interrogé avant de souligner qu'«elle est un droit selon les dispositions afférentes de la Déclaration universelle des droits de l'homme». Selon cet intervenant, «la sécurité alimentaire ne doit pas obéir aux lois du marché ou être intégrée à l'OMC». Une fois extraite du joug du commerce, la sécurité alimentaire devra impliquer d'autres rapports de partenariat avec les pays les plus avancés. Ce partenariat devra être axé sur le développement du secteur agricole au Maghreb. Or, ces pays développés sont excédentaires en produits agricoles notamment en matière de céréales et le partenariat n'est pas leur priorité. Cet état des lieux a amené l'expert marocain à préconiser d'«inscrire les politiques des 5 pays maghrébins dans le cadre de la souveraineté alimentaire». A titre d'exemple, le Plan Vert du Maroc visait initialement la relance de l'investissement; or, cet investissement n'est porté essentiellement que sur les cultures à haute valeur ajoutée. A titre d'exemple, les pays de l'Ocde accordent à leurs paysans des subventions colossales estimées à plus d'un milliard de dollars sachant que l'agriculture ne représente pas un grand apport dans ces pays. Quand ces subventions sont contestées, des échappatoires camouflées sont vite trouvées. Ainsi, un décalage énorme sépare les paysans des deux hémisphères. Le problème relatif à la «mineuse de la tomate» ayant causé des ravages dans les pays du Maghreb, est édifiant à ce sujet. «Une synergie dans le domaine de la recherche entre ces pays aurait considérablement réduit le coût de la lutte contre cet insecte», indique l'expert marocain. Le Maroc, qui consomme en moyenne 217 kg de céréales /personne / an importe les 2/3 de ses besoins en blé tendre; idem pour l'Algérie et la Tunisie qui importent 50% de ces besoins, ainsi que la Mauritanie. Aussi, selon le même expert, «le peuple qui n'arrive pas à se nourrir correctement ne pourra jamais être stable». Présent à ce séminaire en compagnie de l'ex-chef de gouvernement Mokdad Sifi et l'ancien secrétaire général du FLN, Abdelhamid Mehri, l'ex-ministre de l'Agriculture, Nourdine Bahbouh, a déclaré en marge des travaux que «l'intégration économique des 5 pays du Maghreb passe par la mise en oeuvre de mécanismes et de règles institutionnelles permettant l'intensification des échanges directes de toutes natures intra-maghrebines ou entre les agents économiques». «La mise en commun des moyens humains et matériels nécessaires à la réalisation de projets d'envergure au Maghreb, définir les échanges et faire des ajustements aux politiques de soutien maghrébine, multiplier les réseaux d'informations et densifier les échanges de produits et des services et mener des actions communes sur les marchés mondiaux», sont également préconisées par l'ex-ministre de l'Agriculture. Outre la production, en fonction des besoins stratégiques et l'harmonisation des politiques douanières et commerciales, Nordine Bahbouh appuie l'idée «d'élaboration d'un Code maghrébin d'investissement et la révision des codes existants en offrant des avantages particuliers aux investisseurs maghrébins».