La vallée du Sebaou connaît une urbanisation effrénée. Une étude d'une équipe d'experts hollandais a, dans les années 80, établi que la plaine du Sebaou s'étendant de Draâ Ben Khedda jusqu'à Fréha, est l'une des meilleures zones productrices de pomme de terre du contour méditerranéen. Elle est même classée parmi les meilleures régions productrices dans le monde. Dans un programme d'intensification des productions stratégiques, élaboré par le ministère de l'Agriculture en 1980, cette même plaine, qui s'étend sur une cinquantaine de kilomètres, a été retenue comme lieu d'application d'un programme de reproduction de semence de pomme de terre. Cette option a été reprise à la faveur d'une étude réalisée dans le début des années 1990 par le Cread (Centre de recherche en économie appliquée pour le développement). Son potentiel de production est estimé à 700 quintaux par hectare. Les producteurs, dans les meilleures années, ne parviennent à accumuler que 100 quintaux par hectare. La différence est criante. C'est en fait, dans ces conditions que les pouvoirs publics, dans un effort pour remettre sur rail le secteur de l'agriculture, ont lancé un programme de développement qui associe les agriculteurs par des contrats de performance à l'horizon 2013. A bien voir, le défi lancé est grand. Les objectifs visés comme les problèmes du secteur ne sont pas de moindre importance. Les derniers conditionnent les premiers. D'où la nécessité de faire un tour sur les lieux. La terre et le... béton Quelques années de relâchement dans l'application rigoureuse de la loi ont causé un désastre dans l'exploitation des terres agricoles de la wilaya. Aujourd'hui, les pouvoirs publics qui comptent réglementer une situation déjà des plus compliquées en Algérie, font face au dilemme des constructions réalisées sur les terres à vocation agricole. En effet, la nature privée des propriétés terriennes dans la wilaya est en soi, un casse-tête pour les autorités qui espèrent réviser le foncier local. La vallée du Sebaou connaît une urbanisation effrénée. Et le travail des services concernés ne pourrait ignorer cette problématique. Faut-il démolir les constructions existantes ou accepter de voir rétrécir comme une peau de chagrin les terres réservées à l'agriculture? Faut-il remplacer la culture des céréales dans les plaines par l'arboriculture des montagnes? Tout dépend de la nature des instruments d'urbanisme et les plans d'occupation des sols, Pdau et POS. Sur un autre plan, ladite nature privée des terres agricoles a eu des conséquences sur la qualité de l'activité en elle-même. Largement réfractaires à toute intervention des techniciens, les agriculteurs continuent encore, en majorité, à travailler avec des moyens traditionnels. L'exemple de cette tendance à cultiver selon les réflexes traditionnels se manifeste éloquemment dans l'oléiculture. Alors que la production des pays voisins et du pourtour méditerranéen rapporte des rentrées inestimables en devise, la nôtre ne répond pas aux normes internationales de commercialisation. Fixé par les organismes de contrôle entre 0,8 et 1% son taux d'acidité, celui de l'huile d'olive de la wilaya est largement supérieur à 7%. Les services de l'agriculture incombent la responsabilité aux producteurs qui ignorent les méthodes modernes de cueillette, de conservation et de transformation. De plus, la prise en charge des besoins du secteur s'avère par ailleurs, défaillante à certains niveaux. Toujours dans le même créneau qui constitue le gros de la production agricole de la wilaya, les services de contrôle ont ignoré la qualité des 60 huileries importées dans le cadre du Pnda. Alors que celles-ci sont conçues avec des raffineries, elles sont parvenues aux agriculteurs dépourvues de cet équipement majeur dans le process et dont le rôle est justement d'adapter le taux d'acidité. D'autre part, une tournée à travers les communes permet de constater l'abandon qui affecte les réalisations destinées initialement à la relance du secteur. Des centaines de kilomètres de pistes agricoles sont à présent impraticables. Ouvertes en amont et en aval des zones montagneuses, elles sont restées des années durant non sablées et sans voies de dégagement des eaux de pluie. La majorité se trouve actuellement sous les ronces. Le même sort est également réservé aux retenues collinaires. Alors que certaines souffrent d'un envasement avancé, d'autres ont vu leurs digues céder dans l'ignorance et l'abandon total. Enfin, dans le registre des difficultés, l'insuffisance des moyens de stockage constitue un facteur démobilisateur pour les producteurs de tous les produits agricoles. Jusqu'à présent, seule une capacité de stockage de 45.000 m3 s'offre aux agriculteurs. Quand les vaches ont perdu le sourire Le secteur agricole devrait rapporter à la wilaya de Tizi Ouzou 21 milliards 695 millions de dinars à l'horizon 2013, c'est -à-dire au terme des contrats de performance. Tel est le défi lancé par les pouvoirs publics. Aussi, des éléments de réponse à la question que nous nous sommes posée commencent à apparaître. La production céréalière a amorcé une tendance à la baisse après la mise en oeuvre d'un programme de reconversion des priorités. Vu les difficultés rencontrées par la culture des céréales en raison du rétrécissement de la surface agricole utile, les pouvoirs publics ont vraisemblablement réorienté les efforts vers l'agriculture de montagne comme l'arboriculture et la viticulture. Cette politique commence à porter ses fruits sur le terrain malgré des insuffisances constatées et des embûches énumérées par les agriculteurs eux-mêmes. La hausse de la production caractérise l'ensemble des filières bien qu'elle n'ait pas encore atteint les objectifs. Ainsi, malgré le déficit en irrigation des 33% utiles de la surface agricole totale, la production de la pomme de terre a enregistré une augmentation de 34% par rapport à 2008, soit 307.840 q contre 229.331 q. Par ailleurs, pour illustrer la nécessité de l'étroite collaboration de tous les intervenants dans le secteur, il n'y a pas meilleur exemple que la production laitière. Malgré l'abondance de la production de lait, pour les populations c'est toujours le temps des vaches maigres. Les pénuries de lait sont fréquentes dans la wilaya alors que les agriculteurs ont atteint le stade de la surproduction, avec des difficultés pour vendre ce lait. Ces derniers ont initié, récemment, une action de contestation visant les transformateurs qui se trouvent dans l'incapacité de répondre à la surproduction de lait. Cette incapacité à rendre les mécanismes de développement synchrones, pénalise les agriculteurs et compromet les objectifs des contrats de performance. Enfin, il est à noter que le développement du secteur agricole ne dépend que de la volonté des pouvoirs publics. Jusqu'à présent, seuls les agriculteurs ont respecté leurs engagements dans les contrats de performance qui les lient à l'Etat. Les banques, les transformateurs de lait, les services de la DSA n'ont que rarement répondu aux appels des producteurs. Il en est de même pour l'arrêt du massacre que subissent les terres à vocation agricole. Celui-ci n'est que le résultat du laxisme et de l'absence de l'autorité de l'Etat pendant des décennies.