Dans cet entretien, le chanteur kabyle revient sur ses débuts de carrière, ses projets d'avenir et surtout, il évoque la situation de la chanson kabyle ainsi que le phénomène de la reprise qui l'a «gangrenée». L'Expression: Comment Massi a-t-il été attiré par le monde de la musique? Massi: Je suis dans le monde de la musique depuis ma naissance. Depuis que j'étais enfant, quoi! Mais à l'époque, mes parents étaient contre le fait de rentrer dans ce monde, pensant que je négligerai mes études. Ils voulaient à tout prix que je termine mes études. Je leur ai dit d'accord, je termine jusqu'au Bac et après je m'investirai dans la chanson. Le début de mon aventure artistique a commencé en 2002, lorsque j'ai eu mon Bac. J'ai participé aux festivals et je commençais à monter sur scène. D'ailleurs, c'est au cours de cette même année, que j'ai sorti mon premier album. Vers la fin 2002 et début 2003, j'ai composé l'album l'As, dos, tris. Une année plus tard, c'est l'album Fou de toi qui a connu un grand succès et qui m'a permis d'être populaire. C'était le début pour moi d'être sur la scène professionnelle. Je me suis produit en 2005, 2006 et 2007 au Zénith et j'ai fait le Café de la musique à Paris. Après Fou de toi, j'ai sorti trois albums. Il s'agit de J'ai besoin de toi en 2006, Jalousie en 2007 et SMS Yidhem, (avec toi, Ndlr) en 2009. Vous êtes diplômé en droit, mais vous vous êtes retrouvé dans le monde de la musique. Comment expliquez-vous ce passage à la chanson? C'est vrai que je suis licencié en droit. Mais, l'amour de la musique a été beaucoup plus fort que les études. J'aurais pu suivre mes études. J'avais la possibilité d'être avocat ou magistrat, mais j'ai préféré être chanteur. Dans la vie, il faut trancher. Moi, j'ai écouté mes sentiments. J'ai opté pour l'amour de la chanson qui a pris le dessus. Cela dit, mon niveau d'instruction m'a aidé à réussir dans ma carrière artistique. Le fait de ne pas suivre des études en musique ne constitue-t-il pas un handicap pour vous? Je ne pense pas que du fait que je ne joue d'aucun instrument, cela soit un handicap. Certes, je dirai que c'est un avantage de jouer des instruments musicaux. D'ailleurs, je vais m'inscrire en septembre prochain pour apprendre à jouer quelque instrument. Mais, on n'apprend jamais à chanter, on apprend par contre comment chanter. La voix n'est pas un piano. On peut améliorer la justesse de la voix, mais on ne peut pas avoir l'âme et l'esprit d'un chanteur en étudiant la musique. C'est toute la différence. Un artiste qui a fait le conservatoire ou les instituts de musique peut améliorer sa voix. Pas plus. Sur scène, c'est la présence de l'artiste qui compte. Quelles sont vos influences musicales? Moi je chante de tout. Je me retrouve dans tous les genres sans exception. Je chante dans les genres kabyle, chaoui, algérois, occidental. Je me retrouve dans tous les genres! Certains chanteurs disent que celui qui chante dans tous les genres prouve qu'il ne se retrouve dans aucun d'eux... Désolé! Ce n'est pas le cas de Massi. Les gens me connaissent beaucoup plus dans le genre kabyle. A la télévision, les galas officiels et dans mes albums, je ne chante que dans le genre kabyle. Je ne fais de la variété que dans les mariages. Pourquoi la chanson rythmique prédomine-t-elle aujourd'hui chez la nouvelle génération de la chanson kabyle? C'est une tendance mondiale. Le temps des longues chansons est révolu. A l'époque, on faisait des chansons de 15 minutes, or aujourd'hui, une chanson qui dépasse les 4 minutes ne fera aucun succès. En plus, on répond à la demande du public. On ne peut pas chanter ce que le public rejette. Le chanteur est influencé par ses fans. Aujourd'hui, le public aime les chansons rythmiques, donc, je réponds à sa demande. Il y a une certaine peur que le public n'accepte pas ce qu'on lui présente. Donc, je ne fais que suivre mon public. Etes-vous de l'avis de ceux qui disent que la chanson kabyle connaît un naufrage à cause de ce nouveau style où le rythme l'emporte sur la bonne musique et les paroles? C'est une critique des jaloux. D'abord, la chanson kabyle ne connaît aucun naufrage. Bien au contraire, elle conquiert de plus en plus de terrain. C'est grâce à cette nouvelle génération que le raï a disparu de Kabylie. Nous l'avons stoppé dans la région. Le raï est mondialement accepté aujourd'hui. Mais, en Kabylie il a beaucoup régressé. Cela grâce à cette génération. Je vais ajouter quelque chose. Quels sont les chanteurs qui remplissent aujourd'hui le Zénith? Il n'y a que les chanteurs kabyles. Des chanteurs occidentaux n'ont pas fait le plein, or d'autres chanteurs kabyles, et moi avions rempli les salles. De quel naufrage de la chanson kabyle parle-t-on donc? C'est une preuve que la chanson kabyle se porte bien. Qu'avez-vous à dire sur le phénomène des reprises? Moi, je ne fais pas de reprise. Je ne me sens pas directement concerné par ce phénomène. Je travaille avec Daoud Issawen qui a déjà écrit plusieurs chansons pour moi. C'est mon parolier. Mais, il ne faut pas nier qu'il y a des chanteurs qui ont réussi avec des reprises. Ils ont fait de belles choses. Mais, je suis contre le fait de reprendre une chanson pour la massacrer. Pourquoi votre nouvelle génération ne profite-t-elle pas des anciens chanteurs pour travailler ensemble? Il faut plutôt poser la question à eux. Personnellement, je n'ose pas leur demander. C'est à eux de nous motiver. C'est le maître qui va vers l'élève. C'est le père qui apprend des choses à son fils et non le contraire. Et puis, il faut le reconnaître, nous les Kabyles, nous ne nous entraidons pas. Nous n'avons pas cette culture. Regarde les chanteurs du raï comment ils s'entraident. Ils ont fait des dizaines de duos. Même dans d'autres genres, on trouve des duos. Il n'y a que les chanteurs kabyles qui n'aiment pas êtres aidés. Dans une déclaration à la presse, vous avez dit que vous êtes le premier artiste à chanter le franco-kabyle. Maintenez-vous cette déclaration? Pourquoi changer d'avis? J'étais mal compris. J'ai dit que je suis le premier dans cette nouvelle génération et non pas dans l'histoire de la chanson kabyle. Plusieurs anciens chanteurs ont chanté dans le franco-kabyle. Mais, dans ma génération, je suis le premier. J'ai redonné naissance à cette chanson. Elle a existé auparavant, mais elle a été oubliée. C'est grâce à moi que le franco-kabyle a ressurgi. Des dizaines de chanteurs composent des chansons en français et en kabyle. Un nouvel album? Oui. Ça sera pour 2011. Ça sera du 100% ambiance. Donc, je donne rendez-vous à mon public au début de l'année prochaine avec de très belles choses.