Les marchés de gros et de détail des fruits et légumes constituent le lieu de prédilection de ces Gavroches des temps modernes. Les services de l'action sociale de la wilaya d'Oran ont recensé, durant les deux derniers mois de l'année en cours, près d'une centaine d'enfants en détresse. Une dizaine de ces derniers sont en danger moral tandis que d'autres, en nombre considérable, ont contracté des maladies graves comme les infections respiratoires et allergiques des suites de leur longue errance, mauvaise nutrition et longues nuits passées à la belle étoile dans des endroits sordides en se livrant à la consommation de la drogue, de la colle et de l'alcool. La situation sociale de ces enfants est révélatrice du mal qui les terrasse à l'aube du troisième millénaire. Les équipes de services de l'action sociale, ayant pris la rue comme lieu d'échantillonnage pour les enquêtes sociales sur ces enfants, sont sur le qui-vive permanent. La situation de ces personnes préoccupe au plus haut niveau. Mais, hormis les recommandations préventives, aucune autre mesure n'est venue comme solution palliative. Ces enfants de la misère occupent les coins et recoins de la ville, sillonnant les rues et artères, et investissant les marchés en quête d'un bout de pain pouvant calmer leur faim et celle de leurs familles. Les marchés de gros et de détail des fruits et légumes constituent le lieu de prédilection de ces Gavroches des temps modernes que l'on retrouve dans Les Misérables de Victor Hugo. Faire la manche est un exercice qui se généralise davantage dans une wilaya frappée par une déchéance sociale. Ces centaines d'enfants s'adonnent à la mendicité et au vagabondage au su et au vu de tout le monde sans qu'aucune institution n'intervienne pour les soustraire à cette situation. Tout comme les révélations de Gervaise, célèbre personnage du livre d'Emile Zola intitulé L'Assommoir, les déclarations de ces petits donnent froid au dos. Le consensus est commun: «Je fais ça pour me nourrir et nourrir ma famille», répondent plusieurs enfants qui ne se sentent plus embarrassés ni gênés par le tabou de la mendicité et de l'errance. Aussi, les sorties des psychologues et des responsables de l'action sociale ne semblent pas décourager ces enfants. C'est plutôt le contraire qui se produit. «A entendre de telles phrases émaner des enfants en bas âge, les psychologues ne trouvent plus quoi dire, quoique le travail des enfants est interdit», explique-t-on sans pour autant lâcher prise. En effet, les responsables locaux du département de Saïd Barkat viennent d'inaugurer un Samu social. «Cet outil permettra de mieux prendre en charge les enfants vulnérables», a expliqué M.Yahiaoui Mohamed, cadre à la direction de l'action sociale de la wilaya d'Oran, ajoutant qu'«une cellule d‘écoute et de suivi, constituée de psychologues est, à cet effet, mise en place en vue de prendre en charge psychologiquement tous les cas jugés en détresse morale». Les bureaux et administration du Samu social sont établis dans l'enceinte de l'ex-pouponnière d'Eckmühl en attendant l'attribution d'un budget annuel.