Photo : Zoheir De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi La préoccupation des pouvoirs publics au sujet des personnes sans domicile fixe et de celles s'adonnant à la mendicité est devenue effective à la faveur de la correspondance du département de la solidarité nationale à la Direction de l'action sociale de la wilaya le mois de novembre dernier. Il en ressort une multiplication des actions sur le terrain en vue d'apporter aide et soins aux «fugueurs», aux déprimés, et aux habitués noctambules du centre d'accueil Diar Errahma, sis sur les hauteurs de Djebel El Ouahch. La DAS, dont le champ d'intervention n'a pas de limite quand il s'agit de venir en aide «à la société» en détresse, a tracé un nouveau planning pour «recueillir» le plus grand nombre d'abandonnés. Ainsi, au moins deux sorties hebdomadaires s'effectuent à partir de 8 heures du soir. Par ces rondes, on balaye tous les angles de la ville et ses banlieues où se réfugient les SDF. La gare routière constitue la résidence de nuit de ces derniers. Un choix qui n'est pas fortuit en raison de la sécurité à l'intérieur du pavillon. L'équipe sociale formée d'éducateurs, de pompiers, de policiers et, éventuellement, de psychologues, emmène ces personnes au centre d'accueil pour passer la nuit. Le lendemain, elles subiront un questionnaire sur les détails nécessaires qui trancheront sur leur transfert ou non dans l'un des centres dont dispose la DAS. «Le problème est compliqué avec les filles mineures ou majeures qui, enceintes, devraient être prises en charge jusqu'à l'accouchement», nous a expliqué le chef de service de cet organisme, M. Rhailia, qui ajoute : «Cette catégorie est difficile à prendre en charge dans la mesure où aucun renseignement fiable n'est attribué par la mère porteuse de peur qu'elle ne brise sa famille si elle en a une. Ainsi, une enquête sera menée par notre service en vue d'obtenir un lien de parenté. Dans le cas échéant, l'internement est obligatoire jusqu'à l'accouchement. Le choix lui reviendra quant à l'adoption de son enfant. Un temps imparti de 6 mois lui sera accordé pour trancher.» Le nombre des cas sur ce phénomène est de 10 par an, affirme la même source. De plus, «cela devient récurrent puisque ce sont pratiquement les mêmes femmes qui reviennent chaque année». Soit une situation sur laquelle la direction de la santé devrait se pencher pour apporter son concours et éviter de «perpétuer» la venue au monde d'innocentes victimes. Le service de la santé est également interpellé lorsque les sorties de la DAS doivent buter sur des handicapés mentaux. «Il nous est difficile de les transférer à la résidence. Ce sont des personnes vivement agitées qui nécessitent un traitement spécialisé», devait-on dire à la Direction sociale. Sur un autre ton, les SDF constantinois diffèrent par la nature de la cause de leur situation. La problématique liée aux personnes âgées, délaissées souvent par leurs familles, semble être dépassée pour céder la place à un autre genre, voire un autre âge de «sans domicile fixe» éphémères. De ce fait, le constat établi par les services compétents fera ressortir un listing de jeunes, dont la plupart, sur un coup de colère, claquent la porte et optent pour la rue. On y ajoutera des pères de famille irresponsables «ne pouvant assurer la prise en charge de leur progéniture qui finissent par craquer», argumente-t-on auprès de la DAS. Cette dernière estime qu'elle ne peut malheureusement subvenir à toutes ces catégories, surtout que beaucoup ont un foyer familial qu'ils récusent. La Direction de l'action sociale traite le sujet partiellement. Elle oriente les personnes lésées, notamment les mineurs avec leur transfert au foyer d'enfants assistés (fille ou garçon) et les plus de 60 ans qui bénéficient de Dar El Ajazaa, El Hamma. A noter que le lot fort parmi les sans toit demeure spécialiste des nuits passagères. Une fois l'orage passé, ils rejoignent leur domicile. La wilaya de Constantine, selon des statistiques, enregistre au moins 25 errants de nuit par mois. Un pourcentage maîtrisable par les patrouilles de secours, lesquelles lancent dans la foulée un appel à la commune qui devrait s'inquiéter, en premier lieu, de l'état de sa population en détresse dès lors qu'elle jouit de ressources humaines et matérielles. Une main tendue de l'APC ne fera que consolider davantage l'œuvre sur le terrain de la DAS. Pour l'heure, celle-ci exploite ses bus et son personnel avec le bus de la wilaya dépêché lors des descentes de nuit. Constantine ne renferme pas autant de vagabonds passant la nuit sur des cartons. Le projecteur SOS flashe leurs lieux de prédilection pour les protéger du froid. Ce qui n'est pas toujours le cas pour les SDF qui ne font pas de bruit pour digérer en catimini leur désarroi. En ce qui concerne la prise en charge des mendiants, elle ne fait pas exception au planning instauré par les responsables du secteur social. En effet, ce dernier consacre trois sorties hebdomadaires en équipe pour les recenser. «95% des mendiants ont des familles. C'est délicat ! Environ 90 mendiants résident à Constantine. Ils sont identifiés. Certains refusent d'être insérés dans le filet social avec 3 000 DA. Cela leur rapporte gros, en témoignent les différentes fouilles qu'on avait effectuées par le passé, une fois ces personnes admises au centre. Parfois, une journée de manche équivaut à un mois du filet social !» avance-t–on auprès d'une source fiable. Par ailleurs, il faut savoir que la capitale de l'Est, considérée comme «âme charitable», accueille d'autres mendiants des wilayas limitrophes. De Annaba, une personne se déplace la matinée pour renter dans l'après-midi avec une cagnotte appréciable. Les mendiants saisonniers, on en compte, atteste la DAS. Pendant la saison estivale, des gens du Sud viennent exploiter le créneau de la mendicité pour le moins «rapporteur». Ainsi, il est question d'évoquer le danger encouru par la progéniture exposée comme proie aux passants. A ce sujet, la réglementation sévit sans miséricorde conformément à l'article 196 du code pénal. Ces mineurs seront présentés au procureur de la République, qui, après audition, les met à l'appréciation du juge des mineurs, lequel décide de leur éventuel placement dans le centre spécialisé. En définitive, le spectre de la mendicité n'en finit pas dans la wilaya de Constantine en dépit de la mise en œuvre d'une batterie de mesures coercitives et atténuantes à la fois. La DAS, qui a enregistré un léger sommeil depuis mai dernier consécutivement au changement apporté à sa direction, est en train de rattraper le retard généré par un gel de quelques dossiers. L'intérim qui n'a que trop duré (7 mois) aura accumulé des affaires que l'actuel directeur, M Chiad, installé dans ses nouvelles fonctions il y a presque deux mois, est en train de «dégeler» tout en veillant sur la catégorie des sans-abri. Une équation difficile à résoudre si l'on sait que le mouvement associatif faisant partie de la DAS est destinataire de mises en demeure pour renouveler son bureau, voire activer dans le cadre dans lequel il été créé sous peine de disparaître.