S.O.S, la chasse à la flotte maritime algérienne est bel et bien entamée, et son issue est inquiétante. En un temps record, plus de 5 navires ont été saisis, d'autres, carrément abandonnés dans différentes mers du globe, et d'autres encore, ont jeté l'ancre pour être livrés à la rouille. Bref, le pavillon national a pris un sérieux coup pour son prestige, face à la déferlante féroce d'une concurrence qui ne dit pas son nom. Ce qui fut le fleuron du pavillon national fait l'objet actuellement d'une vraie mise à mort programmée de l'autre côté du bassin méditerranéen. Ne parle-t-on pas déjà de complicité intérieure de certains cadres qui feraient mieux, comme le suggèrent des travailleurs, «de rejoindre officiellement la concurrence, au lieu de verser dans le sabordage?» Pris en otage par des créanciers qui usent des textes intransigeants du Code maritime international ratifié par l'Algérie, le «Sidi Bel-Abbes», assurant la liaison Nord-Sud de la compagnie maritime nationale Cnan, attend toujours l'acte de délivrance de la part de la Banque extérieure d'Algérie qui, selon nos sources, devrait ordonner un ordre de paiement qui débloquerait la situation. Le pire serait à craindre si cet ordre de paiement tardait encore à venir, du fait que le navire transporte plus de 1.600 tonnes de poudre de lait destinée à la consommation nationale. Cela aurait sans doute des conséquences néfastes sur le marché du lait déjà sensible à la spéculation. Les navires de la Cnan n'en sont malheureusement pas à leur première mésaventure. En effet, en un temps record, pas moins de 3 navires ont été bloqués au port de Marseille. Il s'agit du «Tlemcen», du «Tébessa» et du «Tablat». Le plus grave, c'est que l'un de ces trois navires, a failli être vendu par les créanciers sous le regard impuissant des dirigeants de la compagnie algérienne. Livrée à toutes les spéculations au profit de la concurrence, objet de campagne de dénigrement par la presse française, tant spécialisée que généraliste, la flotte algérienne porte les germes de sa propre défaite commerciale. L'origine du litige a, selon la version officielle, un lien direct avec des créances d'une valeur de cinq millions de dollars détenues par des fournisseurs français sur la compagnie nationale. A tous ces malheurs dont souffre le pavillon national, s'ajoute l'histoire curieuse d'un contrat d'affrètement de navires algériens, à des tarifs qui relèvent plus de la dérision que du commerce. Ces bateaux seront purement et simplement abandonnés dans différentes mers de la planète. Sachant bien que leur coût journalier est estimé entre 2.000 et 4.500 dollars, les navires en question, seraient loués, selon des sources pour la modique somme de 900 dollars/jour. Le contractant, (Arabian Tankers Compagny) basée à Dubaï, a abandonné les bâtiments et leurs équipages sous le regard triste et résigné de la partie algérienne. Abandonnés, des marins algériens pris en charge par les restos du coeur? Encore une honte qui vient s'ajouter à la longue liste des coups de pied que reçoit l'Algérie depuis la déchéance de son image internationale en 1980. C'est le sort des marins algériens abandonnés à bord du «Zaccar», au large du port de Marseille, par la compagnie ATC (Arabian Tankers Compagnie), qui, faute d'être payés par cette dernière, n'ont pu être nourris que grâce à l'intervention du legs de Coluche, «les Restos du coeur.» D'autres navires, battant pavillon algérien, ont été abandonnés par le même affréteur. Il s'agit de l'«Ismara» et du «Dahra», respectivement lâchés à Singapour et à Las Palmas. Cette situation qui a alarmé à plusieurs reprises des cadres soucieux du sort du pavillon national, coûte à la trésorerie 3.000 dollars par jour. Depuis le 11 février, le montant de la perte dans l'affaire avec la TCA ne se calcule pas qu'en dollars. La décrédibilité de l'armement public algérien, l'atteinte à l'image de marque du pays, l'humiliation de tous ces hommes, marins et cadres de la compagnie nationale, sont un prix trop cher payé par la collectivité nationale aux prébendiers de tout poil qui continuent, au file des promotions que leur valent les petits cadeaux à leurs supérieurs, à grignoter l'éternel gruyère qu'est l'Algérie. Des questions insidieuses mais légitimes s'imposent: que font les représentants de la Cnan à l'étranger? Quel est le rôle des représentations diplomatiques algériennes dans des situations pareilles, notamment dans les cas de saisies injustifiées des navires ou quand la dignité des citoyens algériens se retrouve à la merci de la charité «coluchienne»? Des travailleurs de la délégation de la Cnan à Marseille avaient adressé à leur plus haute hiérarchie une lettre de protestation virulente, dénonçant des complicités internes visant la fermeture de la délégation de Marseille, principal port étranger de transit des approvisionnements nationaux. En outre, des anomalies dans la gestion ont été signalées par les protestataires, notant un retard énorme et l'impossibilité de clôturer le bilan des comptes d'escale 2.000, suite à la perte (?) des données indispensables, liées à un problème de paramétrage du logiciel utilisé (Saga Sari). La même correspondance revendique l'ouverture d'enquête pour sauver l'une des plus importantes représentations à l'étranger. Où sont allés les 500 millions de dinars? Devant le nombre de coups qui s'abattent à des périodes bien précises, ouvertement, et le black-out qui les entoure, s'impose le sentiment irrésistible d'un complot tendant à faire couler la flotte algérienne. Les cris de détresse lancés depuis la reprise en main des destinées de la compagnie par des syndicalistes - poursuivis et inculpés puis mis en liberté provisoire pour une scabreuse affaire de détournement - n'ont pas changé grand-chose. Pis encore, selon des cadres de cette compagnie, l'étau se resserre de plus en plus sous la poussée de forces occultes qui ne peuvent être que de connivence avec la mafia des conteneurs. Plusieurs scandales, liés au trafic de devises, d'or, d'argent et au détournement de fonds des oeuvres sociales par des syndicalistes, avaient accompagné l'ouverture du marché, et avaient alimenté les colonnes de la presse nationale. L'affaire est toujours pendante au niveau de la justice Des conflits internes sont minutieusement montés pour détourner l'attention sur des marchés qui se perdent. En 2.000 par exemple, des cadres affirment que la compagnie avait perdu en un temps record la majorité des lignes régulières, celle de l'Extrême-Orient et les Amériques, au profit de la concurrence. Notons que les lignes régulières sont les plus rentables dans le monde maritime. Ce qui a laissé place à une dégradation quasi totale de la compagnie. Les cadres refusent de la laisser sombrer dans les abysses de la Méditerranée. Ils ont, à plusieurs occasions, affirmé que le mal venait de l'intérieur, par la complicité de certains cadres influents «qui feraient mieux de rejoindre la concurrence officiellement». On ne peut que regretter qu'à l'heure de la navigation assistée par satellite et ordinateur (GPS), les entreprises algériennes continuent, pour la plupart, à faire du cabotage, gérant à vue des enjeux qui dépassent leur capacité d'imagination et de conception. Face à la dégradation alarmante de la Cnan, le gouvernement a mis en place, en fin 2.000, des mesures d'urgence susceptibles, sinon de la sauver, du moins de mettre fin à la gabegie, en attendant un véritable plan de renflouement. En effet, le Chef du gouvernement, Ali Benflis, avait installé un comité de sauvegarde présidé par son propre chef de cabinet. Ce comité avait alors émis des recommandations. Les plus importantes sont le plafonnement du crédit accordé par la BEA et la mise en place d'un fonds spécial de 500 millions de dinars, débloqué en octobre 2.000. Aussi salutaires que nécessaires, ces mesures ne semblent pas être appliquées par les gestionnaires. A voir les résultats, une année après, on est obligé de se placer du côté des cadres de la Cnan qui déclaraient que «la sauvegarde du pavillon national ne peut se faire sans une gestion saine, elle-même subordonnée à l'assainissement du potentiel humain». Une fois encore, le commissaire aux comptes aurait refusé de valider un bilan d'exercice négatif, dont il rejette les justifications de déficit en tant qu' «irrecevable au regard de la réglementation».