Changement n Il faut se rendre à l'évidence, la Méditerranée n'est plus ce qu'elle était, il y a vingt ans, une mer claire, limpide, vivante et généreuse, capable de donner. De beaucoup donner. A force de négligences de toutes sortes, elle a fini par ressembler à une immense décharge où l'on balance impunément tout ce qui gêne et encombre, exactement comme dans une poubelle. N'a-t-on pas vu, par exemple, que dans de nombreuses villes portuaires, les eaux usées se jetaient directement à la mer. S'il est difficile de les quantifier, il est, en revanche, facile d'imaginer que des millions, voire des dizaines de millions de mètres cubes, l'ont souillée depuis au moins un demi-siècle. Elle est devenue, au fil des ans, un déversoir des pays développés tels que la France, l'Espagne, le Portugal, l'Italie, Malte, la Grèce et des pays émergents comme le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, l'Egypte, la Libye et le Liban. Cette pollution, qui a des conséquences énormes et bien avérées sur la biodiversité et dont on n'a pas mesuré toute la dimension risque, à terme, de tuer toute vie dans cette mer. Sans entrer dans des détails scientifiques qui nous dépassent, voyons plutôt ce qui se passe autour de nous, dans notre quotidien. Il ne se passe pas un jour, par exemple, sans que les flots rejettent, sur nos rivages, des dauphins sans vie, des cachalots et de nombreux autres poissons qui viennent s'échouer sur le sable, lamentablement. Quand certaines espèces sont tout simplement broyées par les hélices de navires, d'autres sont empoisonnées par la toxicité élevée des fonds. Des pêcheurs nous signalent régulièrement avoir aperçu en mer, des poissons qui ne vivent généralement que dans l'océan, leur milieu naturel et cette curieuse migration les inquiète au plus haut point. Mais le comble est ailleurs. Cette mer est devenue carrément une plaque tournante des drogues de toutes sortes. Depuis quelques mois, sur les côtes de Aïn Témouchent comme sur celles de Mostaganem, les gendarmes pêchent de curieux colis flottant sur l'eau : du kif traité par centaines de kilos abandonnés par des narcotrafiquants en toute hâte. Mais il y a pire dans le registre. Par la force des choses, cette mer a été transformée en morgue flottante. Des centaines pour ne pas dire des milliers de cadavres de harragas algériens et étrangers ont été récupérés au large de nos côtes et extirpés difficilement des rochers de nos plages.