Celui qui s'attendait à voir des images en grande partie folkloriques a été déçu car le film est encore plus profond que cela. Produit par le ministère de la Culture et coréalisé par Salem Brahimi et Chergui Kharoubi, Africa is back, projeté hier à la salle Ibn Zeydoun - notamment en présence du comédien acteur dans ce docu, Dany Glover- revient sur les 15 jours de liesse non-stop qu'a provoqués le deuxième Festival culturel panafricain et pose un regard sans concession sur cette Afrique meurtrie, victime de la marginalité, ployant sous d'énormes fléaux et problèmes économiques, politiques ou sociaux évidents ou sous-jacents. Un regard acerbe mais aussi attendri et intime sur un continent qui survit malgré tout et continue à se battre et à lutter pour l'amour de ses enfants. Si le Panaf de 1969 était placé sous le signe des indépendances, celui de 2009 s'est s'inscrit dans le cadre de la renaissance de la culture africaine, a fortiori en Algérie après plusieurs années de terrorisme. Ce n'est donc pas fortuit que ce film soit projeté dans le cadre de la célébration de la fête de l'Indépendance et de la Jeunesse soit le 4 juillet, un an, jour pour jour après le lancement du deuxième Panaf d'Alger. Un festival qui a réuni 43 pays africains et plus de 8000 artistes et qui, surtout, a permis à des milliers d'Algériens de se réapproprier -se réconcilier- leur identité africaine et de se regarder enfin à travers leur voisin sénégalais, malien, ou mauritanien, sans distinction de couleur de peau ou de nation. Si le documentaire Africa is back ne nous montre pas un Youssou n'Dour ou un Khaled enflammant la scène de Riad El Feth, le propos est ailleurs, plus subtil et plus grave. Le film est scindé en trois parties selon le réalisateur Salem Brahimi. Il s'agit d'évoquer en premier lieu la mobilisation autour des indépendances avec un clin d'oeil au film de Wiliam Klein sur le Panaf de 1969 puis la partie la plus importante peut être celle où l'Afrique est mise à l'index, placée devant ses responsabilités! Une partie nécessaire non sans qu'elle soit négative mais un peu sombre dira M.Brahimi. Le film se termine par des moments plus intimistes avec un Lotfi Attar interprétant un morceau du diwan algérien pour rappeler nos racines africaines et insister sur la notion de vivre ensemble. Le panafricanisme c'est finalement cela! Penser nos problèmes ensemble. Le statut de l'artiste africain? Oui, mais bien d'autres problèmes aussi. «Là, on se rend compte que tout les problèmes énumérés par nos différents témoins dans ce film se regroupent et se rejoignent dans un seul espace: Alger qui fut jadis la mecque des révolutionnaires», nous indique-t-on. Aussi, le côté politique l'emporte dans ce film sur le festival et ce n'est pas un moindre mal. Les réalisateurs avoueront avoir eu carte blanche de la part du ministère de la Culture pour dire les choses librement. Et ce n'est pas très gai, ce que nous allons entendre. Que reste-t-il de l'Afrique, 40 ans après le premier Panaf? pas grand chose et peut-être beaucoup de choses restent à faire mais avec des acquis quand même. Aujourd'hui, les luttes, c'est sur un autre front qu'il faudrait les mener. L'acteur afro-américain Dany Glover en villégiature à la Casbah évoque le passé, représenté par notre patrimoine séculaire et réaffirme la nécessité de sauvegarder notre richesse culturelle, notre mine d'or. Amina Traoré, l'écrivaine malienne dénonce, quant à elle, les dérives de la mondialisation. «Nous sommes dans une Afrique pillée devant une Europe fermée qui tente de se construire.» Encore plus fort, l'écrivain togolais Sami Tchak affirme que l'Afrique n'est pas encore libre mais reste dépendante de plusieurs contingents y compris moraux. L'écrivain sud-africain André Brik parle de racisme qui perdure. Le réalisateur mauritanien Abderahmane Sissako souligne que «la nouvelle génération subit les indépendances comme un échec». Aussi, nous apprend-on, l'Afrique souffre d'illettrisme aigu et de nombreux problèmes socio-critiques, même l'école n'arrive plus à éduquer ses enfants. L'Afrique s'entre-tue... Côté cinéma, l'Afrique peine à tourner des films à son image faute d'argent. On y évoque lors d'un colloque organisé l'an dernier au cours du Panaf, le manque de volonté politique afin de soutenir les salles de cinéma. Sami Tchak fait part de la «fierté blessée» de l'Africain d'aujourd'hui, tout en abordant l'importance du pôle de la culture dans la consolidation de l'identité d'un pays. Pis, le film dit qu'on ne se regarde pas entre nous mais notre attention est souvent tournée vers un ailleurs fantasmé, celui de l'Europe. Ceci est mis en exergue à travers des extraits d'oeuvres d'arts plastiques et des propos cinglants. Avec des images haut en couleur, alternant moments de liesse et d'accalmie, signe de préparatifs intenses, Africa is back retrace des années de galère d'un continent qui tend à se battre aujourd'hui autrement que par les armes, sans pour autant prétendre à apporter des solutions à ses pays. «Avec 200 heures de rush, on s'est posé la question: qu'est-ce qui nous reste de ce festival? Nous avons voulu aussi montrer ce qui nous a touché affectueusement et humainement, évoquer ces petites choses qui ont changé à Alger au cours de ces dix dernières années». La première image qui nous vient à l'esprit est bien évidemment la réappropriation des rues jusqu'à tard dans la nuit, par des gens, assoiffés de culture et de divertissement. La ministre de la Culture Khalida Toumi insiste aussi sur la femme. Lors du débat qui a suivi la projection Ahmed Bedjaoui relève aussi cet aspect de popularité inhérent au Panaf. «C'est un signe. Quand les femmes sont sorties dans la rue après la victoire des Verts contre l'Egypte, personne ne s'est posé de questions. C'est l'effet Panaf!» Sans être fataliste, le film documentaire laisse tout de même une brèche d'espoir pour notre continent que d'aucuns estiment qu'il est l'avenir du monde. Utopie ou réalité? Le dernier mot revient à A.Sissako: «Voir autant d'Africains réunis dans un seul pays c'est positif. Maintenant il faut regarder vers l'avenir et l'avenir c'est du travail!»