Indirectement mis sur la sellette, le président français, Nicolas Sarkozy, va devoir s'expliquer sur les tenants de l'affaire Bettencourt-Woerth dont les remous commencent à faire des vagues. Ce qui, en France, est devenu l'affaire «Bettencourt-Woerth» - du nom de la femme la plus fortunée de France, Liliane Bettencourt, héritière de L'Oréal, et Eric Woerth, ministre du Travail - embarrasse de plus en plus le ban et l'arrière-ban de la «Sarkozie» alors que les amis du président Sarkozy pressaient celui-ci de parler pour «éteindre l'incendie», cependant que l'opposition, et d'une manière générale l'opinion publique française, attendent du chef de l'Elysée qu'il s'explique sur toutes ces affaires qui entachent son quinquennat. Un exercice ardu, attendu ce soir du président Sarkozy, lors de son intervention sur la chaîne de télévision France 2. De fait, la polémique qui sévit depuis plus de quatre semaines en France a fini par déteindre sur l'Elysée alors que le chef de l'Etat français est directement mis en cause par l'ancienne comptable de Mme Bettencourt, Claire Thibout, selon laquelle la milliardaire aurait financé à hauteur de 150.000 euros, la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy de 2007. Ce qui, aux yeux de la loi française, est parfaitement illégal. Comment le président Sarkozy va-t-il se sortir de ce guêpier? Son intervention, ce soir, va sans doute clarifier certains points du scandale demeurés dans l'ombre, mais il est peu probable que M.Sarkozy aille au fond des choses alors que l'attend un challenge qui s'annonce périlleux et sans doute déterminera une fin de mandat à tout le moins cahotante. Le principal acteur du scandale «Bettencourt», le ministre du Travail, Eric Woerth, auquel M.Sarkozy garde toute sa confiance, est en effet en charge de l'important dossier de la réforme des retraites, point d'orgue du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Ce qui explique le soutien, sans faille, apporté jusqu'ici par le président Sarkozy à son ministre. Homme-clé du système Sarkozy, Eric Woerth est cependant devenu un boulet lourd à porter pour un président qui tentera, sinon de se disculper, du moins de remettre les choses à l'endroit. Ce qui n'est pas évident. De fait, le climat de suspicion est tel que les Français risquent de ne pas se satisfaire d'une simple explication, d'autant que les enquêtes sur les affaires liées au scandale «Bettencourt-Woerth» sont menées par le parquet, hiérarchiquement dépendant du pouvoir. Aussi, opposition comme avocats et syndicats de magistrats réclament la désignation d'un juge d'instruction «indépendant» de l'exécutif. Ce qui au départ, était un problème familial - opposant devant la justice Mme Bettencourt à sa fille Françoise Bettencourt-Meyers, celle-ci accusant un photographe, proche de sa mère, d'avoir extorqué à la vieille dame (Mme Bettencourt a 87 ans) un milliard d'euros en «aide» et dons - s'est ensuite élargi à une affaire de «fraude fiscale» compliquée par le fait que l'une des personnes chargée de la gestion de la fortune de Mme Bettencourt, n'était autre que Florence Woerth, épouse d'Eric Woerth, à l'époque ministre du Budget et portant également la caquette de trésorier du parti majoritaire, UMP. Le puzzle a ainsi pris l'ampleur d'une affaire d'état, lorsque l'ancienne comptable de Mme Bettencourt, Claire Thibout, affirma que sa patronne avait financé la campagne de M.Sarkozy, par un don de 150.000 euros, alors que la loi française sur le financement des partis n'autorisait que l'apport de 7500 euros. Malgré les démentis de M.Woerth, les faits tels que présentés par les médias français - singulièrement dans leurs volets fiscal et politique - entretiennent le flou et ne plaident pas pour l'actuel ministre du Travail de Nicolas Sarkozy. Or, chargé du difficile dossier de la réforme des retraites, Eric Woerth est considéré comme la colonne vertébrale de ce que l'on nomme en France la «Sarkozie», le complexe landerneau politique gravitant autour de «l'homme fort» de France et de Navarre, Nicolas Sarkozy. M.Woerth, sur lequel les sunlights des feux de l'actualité se sont braqués est en fait un homme de l'ombre, qui a un long compagnonnage avec la droite depuis le RPR, duquel il a été le directeur des finances qui, au passage, a soutenu (en 1998) une alliance avec le Front national de Le Pen. C'était en fait dans l'ordre des choses qu'Eric Woerth, homme précieux entre tous, passe de la «Chiraquie» à la «Sarkozie». Ce qui fait de M.Woerth l'acteur principal d'un «feuilleton» qui tient en haleine la France depuis plus d'un mois. Dès lors, que va dire ce soir M.Sarkozy aux Français? Il est patent qu'il va calmer le jeu en minimisant la portée des derniers événements. Mais encore? Pourrait-il étouffer, du moins circonscrire, l'incendie aussi facilement, alors que son taux de popularité n'a jamais été aussi bas, pour un président français? Outre son propre silence, Nicolas Sarkozy va devoir expliquer certaines démarches de son gouvernement, ses tergiversations, notamment dans l'affaire de la possibilité de fraude fiscale, évoquée par le procureur de Nanterre qui affirme avoir attiré l'attention de l'administration fiscale, dès 2009, sur la possible existence de «fraudes fiscales» de la part de Liliane Bettencourt. Administration dont le patron était à l'époque Eric Woerth, dont l'épouse était employée de la milliardaire. D'où l'accusation de conflit d'intérêts qui pèse sur M.Woerth, et les appels de plus en plus pressants à sa démission, pour, indique-t-on, permettre à la justice de mener sereinement ses investigations. Parallèlement au scandale «Bettencourt-Woerth», d'autres affaires secouent de fait le sérail politique sarkozien, avec pour conséquence, notamment, la récente démission de deux ministres, celui de la Coopération, Alain Joyandet, et du Grand Paris, Christian Blanc. C'est dire combien la «Sarkozie» est mal en point au moment où son grand chef tentera ce soir de rétablir la confiance en expliquant le pourquoi des choses. Gageons que cet exercice d'équilibre sera à tout le moins pénible pour M.Sarkozy, alors que les Français veulent savoir.