La lutte contre la corruption impose, a priori, le maintien de ses règles rigides, dans la mesure où le gré à gré simple n'oblige pas le contractant à respecter les mêmes conditions de l'avis d'appel d'offres. Le Code des marchés publics n'est qu'un outil juridique. Quelle est en principe la téléologie d'une réglementation des marchés publics? S'agissant de fonds publics, il convient d'en assurer la gestion et l'utilisation dans les conditions les plus optimales au regard de finances publiques. S'agissant d'ouvrages de première importance ou stratégiques, d'en garantir l'exécution à la fois dans les règles de l'art et dans les délais contractuels. Le Code algérien des marchés publics a été remanié de nombreuses fois depuis sa promulgation (juin 1967), car il fallait tenir compte de la réduction du nombre d'opérateurs économiques au CMP (les entreprises publiques n'y relèvent plus depuis janvier 1988), de l'implication plus grande du maître de l'ouvrage dans l'exécution du contrat et, de plus en plus, à partir du moment où l'Algérie optait résolument pour l'économie de marché, de faire prévaloir le principe de libre concurrence qui conduit à retenir l'offre technique et l'offre commerciale les plus compétitives. Il en résulte que la procédure de sélection du cocontractant qui est privilégiée est celle de l'Appel d'Offres (AO), cependant que la procédure du gré à gré simple constitue une règle de passation exceptionnelle commandée par la situation monopolistique du prestataire, l'urgence impérieuse, l'approvisionnement pour sauvegarder le fonctionnement de l'économie, le caractère prioritaire et d'importance nationale du projet (ce dernier étant soumis à l'accord préalable du Conseil des ministres). En dehors de ces cas, dûment établis, l'Etat et ses démembrements de droit public doivent recourir à l'AO. Si les entreprises publiques qui, depuis la loi d'autonomie de janvier 1988 des SPS/SARL, ne sont pas formellement soumises au Code des marchés publics, il n'en demeure pas moins que les entreprises stratégiques et celles exerçant une mission de service public (Sonelgaz revêt les deux caractères) sont soumises à des règles de passation, d'exécution, de règlement et de contrôle des marchés plus draconiennes que celles consacrées par le CMP. Pour Sonatrach, Sonelgaz, Air Algérie, Cosider, l'AO ouvert national et / ou international constitue la règle d'or, cependant que le choix des autres modes de passation n'est envisagé que dans des conditions tout à fait particulières. Le prix du marché n'est qu'un critère parmi d'autres Les impératifs requis par la lutte contre la corruption imposent, a priori, le maintien de ses règles rigides, dans la mesure où le gré à gré simple ne fait pas obligation au service contractant (ci-après SC) de respecter les mêmes conditions de l'AO, qu'il s'agisse des modes de passation, de procédures de révision des prix, des modalités de paiement, de la nature et de la portée des garanties, de la mise en oeuvre des avenants ainsi que du reste des clauses de droit applicable et de règlement des litiges, voire aussi des modalités de la résiliation. Le législateur doit cependant s'efforcer de concilier deux impératifs apparemment contradictoires. Le premier a trait à la transparence du mode de passation du marché (surtout lorsque celui-ci porte sur des travaux et équipements collectifs financés par le Trésor public ou les institutions internationales sous forme de prêts remboursables au prix du marché et qu'ils atteignent des montants importants de l'ordre souvent de plusieurs dizaines de millions d'euros, voire quelques milliards d'euros). Le deuxième impératif est inhérent au respect des délais contractuels et à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. Il serait certainement utile de préciser, à nouveau, dans quelles circonstances le marché public peut être conclu de gré à gré, de sorte que le SC soit délesté de ce choix lourd de conséquences pour les responsables du service. Mais il faudra prendre garde de ne pas privilégier le prix du marché, si d'aventure le recours à l'AO devait être systématisé. Ni dans le CMP actuel ni dans la réglementation spécifique aux entreprises publiques stratégiques, le prix du marché n'a préséance sur les autres critères. La qualité des prestations, les délais d'exécution, le service après-vente, l'assistance technique, les garanties techniques et financières sont souvent plus importantes que le prix ou les conditions de financement offertes par les entreprises soumissionnaires, notamment étrangères. Ce n'est que dans l'hypothèse où les différents soumissionnaires présentent des offres techniques similaires que le SC peut (car ce n'est qu'une faculté et non une obligation) fixer un seul critère, celui du prix. A travers les tribulations que des projets inscrits au Pcsc ont connu récemment, on se rend compte que si le système d'évaluation des offres techniques avait été conçu de façon plus rigoureuse, les exigences liées à la qualité et au délai de réalisation auraient pu être satisfaites, et par voie de conséquence, le recours aux avenants financiers de régularisation n'aurait pas été exercé. Le gré à gré doit être maintenu Il reste que le recours au gré à gré s'impose dans de nombreux cas (notamment ceux liés à l'urgence) et qu'il faudrait autoriser les représentants du SC à y recourir dans l'intérêt même du service, sans avoir à redouter les foudres de la police judiciaire et des magistrats instructeurs. Il convient d'encadrer le gré à gré, notamment par le renforcement des procédures de contrôle a posteriori (lorsque le gré à gré s'effectue dans les cas d'urgence) et des procédures de contrôle a priori dans les autres hypothèses. Interdire le recours au gré à gré, c'est aussi prendre le risque de pénaliser les entreprises publiques algériennes qui sont appelées à évoluer dans un environnement de plus en plus concurrentiel. Ce n'est pas parce que certains responsables ont pu conclure des marchés de gré à gré selon leur bon plaisir et avec l'assentiment implicite de leur hiérarchie qu'il faudrait condamner cette procédure à une mort lente. [email protected]