Le Kenya a entamé, hier, le long et périlleux travail de mise en oeuvre de la nouvelle Constitution approuvée par référendum à une très large majorité, les médias et la société civile appelant à la vigilance sur le respect du texte. Le soulagement de voir le scrutin se dérouler sans violences mercredi et la fierté d'avoir adopté une nouvelle Constitution pour remplacer celle héritée de l'indépendance de la Grande-Bretagne en 1963 ont fait place à un pragmatisme et un réalisme prudents. «Le diable se cache dans la mise en oeuvre» de la Constitution, résumait Hassan Omar Hassan, militant des droits de l'Homme. Le pays vient pourtant d'écrire une page de son histoire, en adoptant un texte fondamental renforçant ses institutions démocratiques au terme d'un processus électoral transparent et professionnel. Le référendum a offert un contraste saisissant avec les violences post-électorales début 2008, qui avaient fait 1500 morts, alimenté les ressentiments ethniques, sapé la confiance des Kenyans dans leurs institutions et mis à mal l'image de stabilité du pays. Hier, si les médias et les acteurs de la société civiles se réjouissaient toujours de la victoire du «oui», ils appelaient surtout leur compatriotes à la surveillance du personnel politique, gouvernement et parlementaires, chargés dans les mois et années à venir de traduire dans les faits le nouveau texte. «Il est temps de se rendre compte que même si les Kenyans ont parlé, le plus dur reste à venir, avec la mise en oeuvre effective de la nouvelle Constitution et du processus de réconciliation nationale», estimait le plus grand quotidien du pays, le Daily Nation dans un éditorial. Techniquement, la commission électorale doit publier les résultats au Journal officiel et le président Mwai Kibaki promulguer le texte d'ici 14 jours. Une commission spéciale sera alors créée, chargée de superviser la rédaction de pas moins de 49 textes de lois dans une période comprise entre un et cinq ans. La nouvelle loi fondamentale sera pleinement effective dans cinq ans. De même, une partie des nouvelles institutions, le Sénat par exemple, ne verront le jour qu'à l'issue des prochaines élections générales prévues mi-2012. En attendant, le gouvernement de coalition né de l'accord de partage du pouvoir en février 2008 restera en place, ainsi que le Premier ministre Raila Odinga, dont le poste est supprimé par la nouvelle Constitution. Le nouveau texte met en place un régime présidentiel assorti d'importants garde-fous, renforce le pouvoir législatif et prévoit une réforme foncière cruciale dans ce pays essentiellement agricole. Les tenants du «non» au référendum, qui ont rapidement reconnu leur défaite jeudi, ont répété depuis que leurs griefs restaient d'actualité et appelé le camp du «oui», qui a remporté 67% des voix, à négocier. «La prochaine étape sera encore plus difficile, en particulier pour réconcilier les attentes de la majorité et les craintes de la minorité», mettait en garde l'autre grand quotidien privé du pays, le Standard. La nouvelle Constitution prévoit la création d'une Commission nationale des terres, habilitée à enquêter sur les «injustices historiques», notamment des acquisitions illégales de terres par les élites des précédents régimes. M.Hassan n'excluait pas des manoeuvres de sabotage par «des individus qui sentent leur intérêts remis en cause par la mise en place de la nouvelle Constitution». De son côté, le président de l'Alliance pour la Terre au Kenya, Odenda Lumumba, plaidait pour une vaste campagne d'éducation civique, pour «corriger certaines des représentations erronées» de la campagne.