Un tribunal stambouliote a annulé vendredi soir un mandat d'arrêt visant 102 militaires, dont 25 généraux et amiraux en activité, soupçonnés d'implication dans un projet de coup d'Etat, a rapporté l'agence de presse Anatolie. La décision constitue le dernier rebondissement d'une série d'enquêtes controversées sur des projets de renversement du gouvernement conservateur, qui a conduit à l'arrestation de nombreux militaires. La cour a considéré que les demandes d'annulation du mandat d'arrêt déposées par les avocats des suspects étaient recevables, a indiqué Anatolie. Dix-sept généraux et amiraux à la retraite étaient également visés par le mandat d'arrêt, délivré le 23 juillet. Au total 196 personnes ont été inculpées dans ce complot intitulé «Opération masse de forgeron», qui aurait été fomenté au siège de la Première armée à Istanbul, après l'arrivée au pouvoir en 2002 du Parti de la justice et du développement (AKP), issu de la mouvance islamiste. L'arrivée de l'AKP avait fait redouter à une partie de l'opinion et de la hiérarchie militaire une remise en cause de la laïcité en Turquie. Ce verdict intervient alors que les enquêtes en cours visant des militaires accusés de comploter contre le gouvernement conservateur ont été à l'origine de tensions entre les pouvoirs politique et militaire autour de la question de l'évolution de carrière des soldats suspectés. Après quatre jours de réunion du Conseil militaire supérieur marqués par de nombreuses tractations avec le gouvernement, l'état-major a présenté mercredi une liste d'officiers promus où ne figurent pas les officiers poursuivis, et où les postes à pourvoir de chef de l'armée de terre et de chef de l'état-major ont été laissés en blanc. Le Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, et l'actuel chef d'état-major, Ilker Basbug, qui doit prendre sa retraite à la fin du mois, devaient se réunir vendredi soir pour tenter de régler la question. Certains analystes voyaient dans les poursuites lancées contre les officiers un moyen de pression utilisé par le gouvernement pour bloquer leur avancement à des postes-clés de l'armée. «Opération masse de forgeron», visait à commettre des attentats dans des mosquées et à provoquer des tensions avec la Grèce, pour semer le chaos et justifier un coup d'Etat, selon l'acte d'accusation. Le général à la retraite, Cetin Dogan, ancien commandant de la Première armée, est le principal accusé dans cette affaire. Egalement concerné par l'annulation du mandat d'arrêt, il avait été arrêté mais a dû être hospitalisé en raison d'un risque d'infarctus. Le procès doit débuter le 16 décembre. Un seul suspect, un colonel à la retraite, a été incarcéré. La cour a estimé que l'annulation du mandat d'arrêt n'avait pas d'implication pour lui, selon Anatolie. Plusieurs centaines de personnes ont été inculpées au cours des deux années dans le cadre de diverses enquêtes sur des complots visant le gouvernement. Ces enquêtes sont controversées. Les milieux libéraux et proches de l'AKP les considèrent une avancée majeure vers la démocratisation de la Turquie et le respect de l'état de droit par l'armée - qui a renversé quatre gouvernements depuis 1960. Les cercles prolaïcité voient en elles un moyen de pression du gouvernement pour réduire au silence l'opposition et pouvoir poursuivre un «emploi du temps» caché d'islamisation rampante du pays.