A l'évidence, ce sont les citoyens qui sont paralisés... «Je n'ai dormi que vers trois heures du matin!», avoue Idir, un comptable employé au sein d'une entreprise publique à Alger. Il affiche une mine grise. Assis à son bureau, sa main porte péniblement sa tête lourde. «Ma tête me fait terriblement mal!», se plaint-il. Un épais silence règne sur les lieux. Idir a le visage pâle. Pourtant, sa journée de travail ne fait que commencer. Il est 10h. Le ventre creux, il sent ses forces l'abandonner. Dahmane, son collègue, entre. Sa démarche est titubante. «J'ai envie d'une cigarette et d'un café», dit-il d'une voix à peine audible. L'ambiance est lourde. Dans les couloirs de l'entreprise, des silhouettes somnolentes passent d'un service à l'autre. L'effectif est réduit. «Nombreux sont ceux qui ont pris leur congé durant le Ramadhan. D'autres ont déposé des arrêts de travail», révèle Djamila, une secrétaire. A la sortie de l'entreprise, Ammi Moh, chauffeur, est à moitié endormi dans sa voiture. Ses paupières s'alourdissent de plus en plus. «Il a passé toute la nuit d'hier à jouer aux dominos», le taquine El- Mouhoub, son associé. A défaut du petit déjeuner, on se contente de l'humour. Les minutes s'égrènent lentement. Sur la rue de la République, à Kouba, la circulation automobile est fluide. Bizarrement, les deux fleuves humains qui longent habituellement les deux bords de la route ressemblent à deux fins cours d'eau. Rachid est agent d'administration. Son congé, il le prend durant le mois de Ramadhan. «Il m'est impossible de travailler le ventre creux», déclare ce vieux routier de l'administration. C'est connu, le volume de travail des Algériens a tendance à baisser durant le Ramadhan. Des études académiques menées récemment confirment cette tendance. Pas moins de 45% des travailleurs algériens prennent leur congé annuel durant le Ramadhan. Ce chiffre a été rapporté par le site du quotidien El Fadjr, vendredi dernier. Les observateurs affirment que ce phénomène s'étend à toutes les wilayas du pays. Pis, il touche tous les secteurs d'activités dans le pays. A commencer par les services de l'adiministration. A l'évidence, ce sont les citoyens qui sont pénalisés. Les heures de travail diminuent et les prestations de services aussi. Les mêmes observateurs estiment que le mois de Ramadhan introduit des comportements sociaux négatifs. Ces derniers influent sur les relations humaines. Par exemple, les administrations ont un rendement. En conséquence, les citoyens sont pris dans le tourbillon des démarches administratives à effectuer. Leur quotidien est pris en otage d'une montagne de dossiers à fournir. En face, la majorité des guichets sont désertés par les employés. «Cela fait deux heures que j'attends ici pour un simple papier», regrette Hamid, un homme de 30 ans. Il s'est présenté à la mairie de Kouba pour refaire son passeport. Pour cela, il doit effectuer un véritable parcours du combattant. Surtout avec la formule biométrique. Au service de l'état civil, le nombre de guichets est supérieur à celui des employés. «Ils passent leurs nuits à s'amuser dans les cafés et sur les places publiques. Le matin, ils ne sont jamais à l'heure. Aussi, ils n'assurent pas un service régulier», dénonce une dame, la tête voilée. Un employé se sent visé. «Nous travaillons comme d'habitude. Seulement, nous ne pouvons gérer les humeurs des uns et des autres», rétorque-t-il à la dame. «Ah oui? Alors, expliquez-moi pourquoi votre collègue que nous attendons depuis plus d'une heure n'est-il pas encore là?», l'interroge-t-elle. «Il est en congé!», se contente de répondre le fonctionnaire. Décidément, le Ramadhan est le mois où les services administratifs sont en hibernation.