Fidèle à sa tradition de goual et du théâtre populaire algérien, Ziani Chérif Ayad est revenu avec une pièce de théâtre légère et digeste où l'humour se conjugue avec l'esbroufe. La compagnie Gosto-Théâtre que dirige le metteur en scène Ziani Chérif Ayad est revenue cette semaine au Palais de la culture Moufdi-Zakaria pour deux dates de représentation, de la pièce El Gourbi ya mon ami, laquelle a été donnée dimanche et lundi derniers, en plein air, devant un public affable. Première d'une série de conceptions s'articulant autour du domaine fécond du café-théâtre, El Gourbi ya mon ami met en scène des tranches de vie, dans ces lieux de société désignés pour la circonstance «Café du Bonheur», où se font et se défont des trajectoires plurielles. La pièce est, en effet, conçue de façon originale et interactive avec le public placé tout autour. Dans la distribution, nous retrouvons Noureddine Saoudi au chant et à la musique, et faisons la connaissance avec trois comédiens, El Amri Kaouane, (une belle voix au chant et des intonations qui ne sont pas sans rappeler un autre humoriste, Abdelkader Secteur) dans le rôle du client qui crie ses vérités à la face du monde et Boualam, le cafetier qui essaie de le faire taire par tous les moyens en aspirant à la quiétude de son café et puis Khalil, au milieu, un jeune qui rêve d'aller à l'étranger et phantasme sur le Canada. Un trio de comédiens dont les voix vont s'entrecroiser, s'entrechoquer et s'échanger pour commettre un débat où la voix du peuple est seul maître. Pour une fois...La pièce évoque, en fait, plusieurs maux sociaux tout en dénonçant avec subtilité et dérision les travers de notre système. Le chômage, la harga, les SDF, l'opération politique de relogement, mais aussi les nantis qui souffrent à trop se perdre dans leur immense villa, les victimes du tremblement de terre, qui continuent à dormir sous des tentes pour éviter que d'autres maisons ne tombent sur leur tête. Une solution finalement à prendre au sérieux, pour éviter toute catastrophe, fait-on remarquer avec une ironie déconcertante. Le tout devant un public rieur, amusé, sirotant un verre de thé, offert par le jeune Khalil. Affabilité et hospitalité du café-théâtre digne d'un Café Malakoff accueillant et chaleureux. Les thèmes abordés se suivent et ne se ressemblent pas. Puis vinrent d'autres sujets qui fâchent, comme la liberté d'expression, la démocratie etc. Les joutes oratoires sont entrecoupées de musique du passé. Nostalgie d'un temps peut-être plus clément, où régnait jadis encore la baraka et la «nia» bien avant le terrorisme dont ont dit qu'il est bel et bien mort...Les vérités se crachent à la figure, se voilent la face parfois, mais le message passe comme une lettre à la poste. Le public saisit la tournure du mot, au vol et pénètre l'univers humoristique du spectacle de ce Café du bonheur, lequel se veut un délice, un moment de détente et de réflexion, bon pour le cerveau et les zygomatiques. «Je voulais recréer l'ambiance du Café-théâtre oriental que j'ai déjà eu l'occasion de connaître à travers mes différents voyages. J'ai voyagé un peu dans les pays arabes, notamment en Egypte, et en Syrie. Leurs artistes perpétuent ce genre de spectacles de café-théâtre. En regardant également à la télé les sketchs de l'époque, notamment Rouiched au restaurant. L'idée était de recréer ces ambiances populaires, mais dans le bon sens du terme avec des comédiens qui possèdent une interprétation qui est complètement différente que celle du théâtre conventionnel. Car nous avons une intimité, un rapport au spectateur qui est direct et cela demande une interprétation autre que celle sur scène avec les spectateurs en face. Je pense qu'au fur et à mesure des épisodes, on va perfectionner ça», nous a confié, en aparté, Ziani Chérif Ayad. Et de renchérir: «En fin de compte, l'interprétation c'est quoi? Quand on revoit les chansonniers de l'époque, style Rachid Ksentini, Touri, ce sont des comédiens qui avaient énormément vu le cinéma muet. Ce type d'interprétation était dominé par une forme de mimique ou l'expression était très importante et très élaborée. Peu de bavardage, mais juste ce qu'il fallait. J'essaie de recréer ce concept avec des histoires d'aujourd'hui. Je fais un aller-retour par l'intermédiaire de la chanson. La plupart d'entre-elles, sont de vieilles chansons de Rachid Ksentini, Touri, etc, en racontant les histoires de nos jours. Je voulais faire un truc léger tout en partageant un moment de bonheur avec le public.»