Aller au Sud? On ne s'y bouscule que lorsqu'il s'agit de postes dans le secteur de l'énergie et des mines. Salaires élevés obligent. Parler du sud de l'Algérie où repose toute la richesse naturelle du pays, il est de facto impératif de distinguer les deux régions de Hassi Messaoud et Hassi R'mel, respectivement dans les wilayas de Ouargla et de Laghouat, deux villes pétrolières et poumon de l'économie nationale. A Tamanrasset, Illizi, Adrar ou Béchar comme à Naâma, Djelfa, M'Sila, dans les Hauts-Plateaux pré-sahariens, la situation est la même dans tous les secteurs d'activité où très peu de postes sont pourvus en compétences (qualifiées ou spécialisées). L'absence de ces compétences qualifiées est un problème qui date depuis longtemps, notamment au niveau des établissements hospitaliers et scolaires. Dans les hôpitaux, la souffrance des malades, obligés de parcourir de longues distances (de 500 à 800 km) pour pouvoir trouver un médecin spécialiste dans un autre hôpital d'une autre wilaya, est devenue un calvaire au quotidien. La question se pose désormais avec acuité, particulièrement avec le développement démographique des wilayas du Sud et des Hauts-Plateaux. Pourquoi les cadres spécialistes boudent-ils ainsi le Sud quand il s'agit du secteur da la santé ou de l'enseignement, alors qu'ils se bousculent, et «achètent» même les postes dans le secteur des énergies et des mines? Tout simplement, parce qu'un simple ouvrier, électricien ou soudeur, à titre d'exemple, dans une société relevant du secteur pétrolier, peut toucher le double ou le triple du salaire perçu par un médecin spécialiste exerçant à Illizi ou à Tamanrasset. Avec tous les moyens que l'Etat peut mettre à la disposition de ces derniers, notamment l'hébergement, il demeure néanmoins que les salaires sont toujours dérisoires. Cette situation ne pouvait pas à l'évidence durer. Cela fait réfléchir au niveau des autorités concernées qui envisagent certaines mesures «incitatives» pour amener médecins et enseignants à choisir des postes dans ces régions. Pour ce qui est des médecins spécialistes ayant achevé leur formation, le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière envisage une «rétention» des diplômes de ces nouveaux spécialistes avant qu'ils n'accomplissent leur service civil dans l'une des wilayas de l'intérieur du pays. «Il est pour le moins inconcevable que l'Etat, qui a pris en charge ce médecin spécialiste depuis le cycle primaire jusqu'à l'université, remette à celui-ci un diplôme qui, tout compte fait, ne profitera qu'aux hôpitaux étrangers», a expliqué M.Ould Abbès. Si, sur le fond, le ministre de la Santé énonce à raison, une vérité certes amère, dans la forme, la mesure, si mesure il y a bien sûr, cela se discute, d'autant qu'ils sont nombreux à évoquer déjà une forme de chantage de la part des pouvoirs publics. Il aurait été plus judicieux, estime-t-on, de mettre en oeuvre des moyens incitatifs, susceptibles d'encourager les spécialistes à travailler dans le Sud, plutôt que ce qui s'apparente à de la coercition. La démarche serait alors maladroite et risque d'avoir l'effet contraire de ce que l'on attend. D'autant plus qu'une telle mesure, «rétention des diplômes» serait, assure-t-on, illégale et injustifiée Pour l'Education nationale, ce n'est pas non plus le paradis. Les syndicats autonomes du secteur tirent d'ores et déjà la sonnette d'alarme quant au manque d'enseignants en prévision de la prochaine rentrée scolaire. Des matières comme la langue française, la philosophie et les maths ont toujours enregistré des déficits en enseignants. Les syndicats pointent du doigt le ministère de l'Education nationale et le préviennent des retombées d'une telle situation qui certainement influera négativement sur le niveau des scolarisés dans ces régions. La preuve en est donnée par les examens du Bac et du BEM précédents, où les wilayas du Sud arrivaient en queue du classement. Toutefois, s'éloigner de sa famille de 2000 km ou plus, pour travailler avec un salaire égal à celui du Nord, est une idée qui n'enthousiasme nullement les enseignants, déjà assez mal payés, qu'il soient titulaires ou vacataires. De ce fait, il ne suffit plus de stimuler les compétences avec un logement de fonction afin qu'elles acceptent d'aller au Sud, mais bien de revaloriser des salaires qui restent en deçà des possibilités réelles du pays. En d'autres termes, pour que la destination Sud (re)devienne attractive pour les médecins et les enseignants il faudrait y mettre le prix. Livrée à elles-mêmes, les populations du sud du pays sont en fait les premiers perdants. Détérioration de la santé publique, dégradation du niveau scolaire et culturel, augmentation du taux de chômage et pauvreté, sont ainsi les maux qui dessinent l'image d'un Sud qui fait vivre le pays grâce à ses richesses sans que cela ait un impact quelconque sur l'amélioration de son quotidien.