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Riche et... dans la tourmente
HASSI R'MEL
Publié dans L'Expression le 13 - 06 - 2004

Si la commune de Hassi R'mel est notoire par ses richesses gazières inestimables, elle est anonyme dans sa misère. Pourtant celle-ci, avec son ampleur, n'est pas une quantité négligeable.
En cette fin de printemps, l'autorité communale de Hassi R'mel combat les criquets, ces insectes ravageurs qui ont infesté la quasi-totalité de la partie sud de la commune. Quant à la mal vie qui pèse impitoyablement sur la population, la mairie n'a point la même sève combative pour y venir à bout. Elle compte tout bonnement «déménager» pour élire domicile à Oued Bellil, loin de cette misère indiscrète qui fait de la paisible ville l'un des paradoxes de l'Algérie. La deuxième commune la plus riche du pays s'enlise davantage dans le gouffre du dénuement.
Les torches du gaz qui s'enflamment allègrement dans le ciel et dont dépend l'économie de tout un pays, jurent extraordinairement avec le taux de chômage estimé à plus de 70%, les 1200 bidonvilles qui ne sauraient échapper à l'oeil et le manque d'infrastructures de production ou de loisir. La pauvreté est le pain quotidien de la plupart des 16.991 âmes (statistiques de 1998) qui peuplent la commune.
Issu du découpage administratif de 1985, le territoire de Hassi R'mel a connu une urbanisation sauvage au point que la mairie s'est avouée «incapable» de satisfaire toutes les requêtes socio-économiques des «nouveaux débarqués». En fait, comme conséquences de la dégradation de la situation sécuritaire au début des années 90 ainsi que l'accentuation du phénomène du chômage, des essaims humains y ont convergé croyant avoir trouvé le refuge hermétique aux malheurs. Des gens du Nord comme ceux du Sud ont mis les pieds dans cette contrée gazière tout en étant imprégnés des conjectures les plus optimistes. Une fois sur les lieux, toutes ces belles espérances se sont avérées une chimère. Les emplois créés par Sonatrach sont méticuleusement attribués à des demandeurs triés sur le volet. Tout comme les logements sociaux qui n'ont plus droit de cité. Avec l'option du déménagement, leurs souffrances ne feront que s'attiser. Ami El Hadj, la cinquantaine largement entamée, ressent l'âpreté de toute cette dégradation mais aussi «des mauvais jours qui nous guettent après la nouvelle domiciliation de la mairie» jusqu' au fond de ses tripes. Pourtant, il fait partie d'une minorité d'autochtones qui ont la chance de percevoir un salaire régulier à la faveur de son poste de chauffeur à l'APC. Il se tord de rage à la simple vue d'un édifice relevant de la propriété de la coquette Sonatrach qui le nargue avec les privilèges qu'il renferme en son sein. «Cela fait vingt ans que j'ai caressé le rêve de travailler à Sonatrach. A présent, je sais que je finirai mes jours cloué au volant de 4x4 de la mairie», nous dit-il sur un ton chargé de dépit. Les tortillements intrinsèques qui jaillissent après chaque mot prononcé, trahissent mal le regard extrinsèquement indifférent. Comme tous les citoyens de Hassi R'mel, Ami El Hadj digère mal le fait de voir des «étrangers s'enrichir davantage sur notre terre au moment où nous, on s'appauvrit davantage».
La leçon de Ouargla
En effet, tous les postes de travail proposés par Sonatrach sont prestement accaparés par des «gens du Nord», comme on les désigne ici. Pour les autorités locales, c'est une question de «qualification». «Si nos jeunes ne sont pas embauchés, c'est parce qu'ils n'ont aucune formation leur permettant d'être des candidats admissibles», se défend pour sa part le maire, M.Ben Slimane Daoued. Et les aires de jeu grillagés, complètement imperméables aux démunis? C'est là une quadrature du cercle. Une image vivante qui imprime à la ville un style de vie à la new-yorkaise aux temps forts du racisme. Toutes ces surfaces inaccessibles aux pauvres, ces quartiers ghettos dépassant l'effarant nombre de 1200, ces richesses naturelles dont profitent une minorité et tutti quanti constituent les tréteaux inébranlables d'une indigence foncièrement désastreuse.
Pareillement à toutes les régions sahariennes, à Hassi R'mel, Sonatrach est le centre de tous les intérêts, tout le reste doit vivre à son ombre. Une raison suffisante pour les services de la mairie, à leur tête le maire, de comprendre que le calme habituel qui y est enraciné depuis belle lurette risque d'être affecté par le syndrome de Ouargla. Fort de ses retombées saumâtres, le soulèvement de la jeunesse ouarglie taraude continûment tous les magistrats locaux qui sont sous la menace de vivre un phénomène similaire. Ainsi, le maire de Hassi R'mel a pris l'engagement d'annuler les sociétés de sous-traitance en référence à la circulaire interministérielle mise en vigueur au lendemain des troubles de Ouargla. Mais en dépit de cette «volonté» de favoriser la main-d'oeuvre locale, le statu quo demeure le maître des lieux. l'espoir qu'a suscité la suppression des «sociétés du néo-esclavagisme» a été de très courte durée. Il s'est vite estompé sous la réalité des cordons dunaires qui bouchent tous les horizons enchanteurs. «On a beau dire que nous sommes prioritaires pour l'accès au travail. Mais, à ma connaissance aucun jeune chômeur n'a été recruté depuis», nous confirme un jeune désoeuvré. «Faux», rétorque Ben Slimane Daoued. Il défie quiconque de «prouver la transgression de la circulaire interministérielle». Et d'ajouter: «La recommandation du ministère du Travail ne stipule pas la fermeture des portes du Sud aux demandeurs du Nord. Simplement, il y aura un retournement de la situation où notre jeunesse aura le privilège de bénéficier en priorité d'un poste de travail. Toutefois le manque de formation qui handicape les demandeurs locaux, a amené Sonatrach à se rabattre sur d'autres potentialités venues d'ailleurs, même de l'étranger». Un aveu à ne pas remettre en cause surtout en sachant les incessantes pressions du wali (de Laghouat étant donné que Hassi R'mel relève de cette wilaya) à solutionner le marasme de l'emploi de crainte de voir le scénario de Ouargla se réincarner à Hassi R'mel. Selon des sources proches de l'entourage du wali, ce dernier n'échappe point à la vigilance du gouvernement qui lui exige des efforts supplémentaires. Renseignements pris, nous avons constaté, entre autres, que les manipulants mobilisés dans le cadre de la lutte antiacridienne sont tous de Hassi R'mel ou des alentours. Le ministre délégué de l'Agriculture, M.Benaïssa a sommé les responsables du recrutement de prendre en compte l'espace géographique dans l'étude des dossiers.
«Un budget suffisant, mais ...»
Paradoxalement, les budgets annuels de la commune lui permettent de rehausser son image hideuse. De l'aveu même de son premier magistrat, les recettes générées par les taxes sur le transport des carburants en sus du budget alloué par l'Etat, constituent un pactole appréciable estimé à plus de 34 milliards de centimes. D'où l'on s'interroge sur le pourquoi du retard en matière de développement. Le trésorier de la mairie estime qu'«il y a trop de projets dont le financement relève de la charge exclusive de l'APC». Son supérieur, le maire en l'occurrence, l'interrompt pour dire qu'à propos de logements sociaux - principal domaine encore en friche -, «le ministre de l'Habitat en personne m'a refusé toute aide, aussi minime soit-elle. Il est uniquement disposé à intervenir dans la construction de logements participatifs». Décodé, le message de notre interlocuteur met en évidence l'impossibilité de débarrasser la ville de toutes les difficultés qui freinent lamentablement son essor. Les efforts du gouvernement sont essentiellement concentrés sur Oued Bellil, le futur chef-lieu de la commune, où l'état d'avancement des travaux est évalué à 30%. Ainsi, l'Exécutif attend de pied ferme que le siège de l'APC y soit «gruté» afin d'en faire un Hassi Messaoud bis.
Ainsi donc, la commune de Hassi R'mel n'est point ce havre de paix sociale comme elle est représentée sous le prisme altérant en vogue au nord du pays. Y vivre; c'est la croix et la bannière. Non seulement la vie y est laborieuse, mais elle est surtout «injuste». La plupart des 16.991 personnes qui s'y établissent se cherchent désespérément dans un immense désert qui ne les reconnaît pas. Et pourtant ...


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