Chaque soir, c'est la ritournelle. Les amateurs de ce jeu de plus en plus nombreux, ont juste le temps de rompre le jeûne, avant de se précipiter pour jouer au loto. Le comité du village Taourirt, dans la commune de Tibane, s'est réuni avant-hier en urgence. L'objet de la réunion concerne le cas du tenancier du café du village. Son activité occasionnelle constituée par l'organisation de jeu de loto, importune les riverains, qui l'ont fait savoir au comité. Après un large débat, très démocratique et serein, au demeurant, il a été décidé d'autoriser le tenancier à poursuivre son activité tout en assumant sa responsabilité. En d'autres termes, au moindre problème, le tenancier du café du village cessera immédiatement cette activité pour se contenter uniquement de celleinitiale. C'est connu. Le Ramadhan en Kabylie est une période par excellence d'organisation de jeux divers. Le loto en est un. Il ravit la vedette à tous les autres (dominos, poker...) durant la période du mois sacré avant de prendre la tangente et disparaître jusqu'à l'année suivante. Depuis des années, c'est le même scénario. Des cafetiers s'investissent dans cette nouvelle activité pour se remplir les poches. Bien que la loi l'interdise, le jeu du loto existe bel et bien dans les villages kabyles et les services chargés de veiller à l'application de la loi, se distinguent par un laxisme déconcertant ne se donnant même pas la peine de se rendre sur les lieux pour des inspections routinières. Cette activité, qui met en jeu des sommes d'argent assez importantes, attire de plus en plus les foules. On y vient de partout. La renommée des organisateurs dépend des sommes mises en jeu chaque soir. Plus il y a du monde, plus les sommes mises sur le tapis gonflent jusqu'à atteindre parfois plusieurs milliers de dinars. L'appât du gain facile engendre parfois des comportements peu orthodoxes. On a, en effet, appris que des enfants dérobaient l'argent de leurs parents pour aller jouer au loto. Des joueurs, qui n'ont pas eu la chance escomptée, au summum de la colère donnent lieu à des bagarres rangées. D'autres s'enflamment pour avoir laissé au jeu une fortune à la fin de la soirée. Des mineurs qui ne se sont jamais inquiétés. Bref, des situations anormales qui ne peuvent laisser indifférent. Si les autorités communales et les services de sécurité laissent faire au prétexte du manque de loisir dans les communes rurales, les comités de villages veillent à la tranquillité de tout le monde et entrent en action à chaque fois que le besoin se fait sentir. Chaque soir, c'est la ritournelle. Les amateurs de ce jeu, qui sont de plus en plus nombreux, ont juste le temps de rompre le jeûne, avant de se précipiter vers les lieux du loto. Les meilleures places sont convoitées. Un flot ininterrompu de véhicules y convergent, avec à bord des dizaines de personnes venues des villages voisins et même des communes limitrophes. Officiellement, on ne s'adonne pas aux jeux de hasard. Mais tout le monde sait où trouver ces lieux... Les pertes occasionnées aux joueurs se répètent chaque nuit pour aboutir, en fin de compte, à des sommes astronomiques. Les jeunes, pour la plupart, écoutent dans un silence religieux «le lanceur» qui disperse et annonce les pions, tirés d'un sac, permettant aux joueurs de remplir leur grille. Au final, il y a certes, un gagnant, mais l'unique gagnant restera toujours l'organisateur ou le tenancier du café. Les autres finiront toujours comme perdants.