La rencontre qu'a eue, hier, le premier secrétaire du FFS avec la presse a été l'occasion pour le grand déballage. Le premier secrétaire du FFS, Ahmed Djeddaï, a animé, hier, une conférence de presse au siège national de son parti. Une rencontre, plus ou moins improvisée, sans déclaration liminaire remise à la presse. Visiblement éprouvé par deux semaines de campagne harassante, usant d'un franc-parler ne prêtant guère à équivoque, Djeddaï a tenu à mettre en avant la «fantastique mobilisation populaire autour du FFS» avant de revenir en détail sur les «très graves incidents intervenus ces deux dernières semaines en Kabylie». Pas moins de 13 sièges du FFS y ont été incendiés pour rappel. «En décidant de prendre part à ces joutes électorales, déclare-t-il, nous avions parlé de machinations diaboliques visant à jeter la région de Kabylie dans le chaos et avec elle le pays tout entier. Aujourd'hui, nous avons des preuves, des fait, à présenter aux citoyens et à la presse». Plus incisif que jamais, contredisant les thèses développées par certains journalistes et titres de presse, Djeddaï révèle que «les treize sièges dévastés du FFS l'ont été par des commandos organisés, composés par des supplétifs du régime et des éléments annexés aux services de sécurité, et non pas par la population». Djeddaï, traitant des agissements de ces commandos, ajoute qu'«ils ont aussi commis des agressions contre des cadres, des candidats et des militants du FFS, ils rackettent les commerçants sous la menace et la pression...» Mais, ajoute Djeddaï, «le fait gravissime qui est venu confirmer tous nos soupçons, c'est bien l'enlèvement de deux jeunes à Taguemount Azzouz (Béni Douala), après un conclave de la CADC et l'interview qu'ils avaient donnée dans un journal proche de ce mouvement. Des rumeurs ont commencé à circuler, qui incriminaient directement notre parti dans cet acte. Les jeunes ont fini par être relâchés ce dimanche du côté de la gare Aomar. Leurs témoignages indiquent que l'enlèvement a été commis par trois hommes et qu'ils ont été séquestrés à Tizi Ouzou. Une commission d'enquête crédible et indépendante doit être mise en place pour faire la lumière sur ce grave incident et situer les responsabilités de chacun. A chaque fois qu'on veut embraser la Kabylie, on provoque des étincelles à Béni Douala. C'est d'autant plus vrai qu'au moment où nous étions sans nouvelles de ces deux jeunes, des commandos cagoulés circulaient la nuit à Amizour, non loin d'El-Kseur». Ces deux régions, pour rappel, sont les épicentres d'où étaient partis les tragiques événements de ce qu'il est convenu d'appeler le printemps noir. Le FFS, plus déterminé que jamais à aller jusqu'au bout de ce scrutin, rappelle que l'enjeu est politique bien avant d'être une course aux sièges, d'où le peu d'intérêt qu'il porte aux polémiques existant autour de l'absence de neutralité chez quelques représentants de l'administration locale. Pour Djeddaï, en effet, les sorties du FFS sur le terrain ont permis de prouver que «ceux qui veulent mener la région vers l'impasse sont minoritaires. La loi de l'omerta a été brisée. Les citoyens n'ont plus peur». C'est pour cette raison, est-il estimé, que certains tenants du boycott ont été amenés à user de la force pour pousser les gens à ne pas voter, et même à bouder les meetings, près de 600, animés non sans succès, par le FFS en Kabylie. Le FFS, qui accuse des cercles du pouvoir avec leurs supplétifs d'être derrière la transformation de la Kabylie en laboratoire de fabrication de troubles, désignera ces gens par la voix de Bouaïche en réponse à une question insistante d'un journaliste «ceux qui agressent sont ceux qui sont armés et qui ont encouragé la militarisation de la région. Ceux qui agressent sont ceux qui sont venus, armés, en 93, réprimer une manifestation du MCB-commissions nationales. Ceux qui agressent sont ceux qui ont enlevé Matoub en 94, au plus fort de la grève du cartable, histoire de jeter un peu plus d'huile sur le feu. Ceux qui agressent sont ceux qui, en 1996, ont tiré sur des militants du FFS. Ceux qui agressent sont ceux qui ont assassiné Matoub en 98. Ceux qui agressent sont ceux qui ont participé à entretenir les troubles en Kabylie depuis le tragique assassinat du jeune Guermah Massinissa». Tout en appelant les militants à rester calmes et vigilants, à ne jamais répondre aux provocations et aux agressions, Djeddaï interpellera les partis politiques qui, dit-il, doivent se positionner clairement par rapport à cette affaire sous peine d'en devenir des complices par le silence, comme c'est le cas de certains journalistes et journaux qui versent carrément dans l'apologie des actes de saccages et qui appellent au lynchage pur et simple des militants et candidats du FFS. Cela avant d'interpeller l'Etat pour qu'il assume pleinement ses missions constitutionnelles de protection des biens et des personnes sans toutefois verser dans la provocation et la violence gratuites comme cela a souvent été le cas dans cette région, mais aussi un peu partout dans le pays. Confiant, Djeddaï dira, pour finir, que si aucune violence ne vient émailler le scrutin le 10 octobre prochain, «une véritable déferlante humaine aura lieu en Kabylie, mais aussi partout dans le pays, en faveur du FFS, qui prône le changement et une rupture radicale avec le régime en place».