Les ménagères sont déjà sur le terrain pour s'approvisionner en miel et en amandes. Plus qu'une dizaine de jours encore pour dire au revoir au Ramadhan, mois d'abstinence et de piété. Pour fêter son «départ», tout en lui souhaitant, comme le veut la coutume, un bon retour l'année prochaine, un air festif plane avec douceur sur les quartiers de la vieille ville. Une certaine frénésie agréable s'est s'emparée, en effet, de la gent féminine qui pense déjà aux gâteaux de l'Aïd El Fitr, ou Aïd Esseghir, selon les régions. Les échoppes ayant pignon sur les ruelles de la basse Casbah, qui aboutissent sur la place des Martyrs, arborent des couleurs chatoyantes. Cela pour mieux présenter les produits et ingrédients nécessaires à la confection de gâteaux pour cette fête, qui est l'une des deux grandes fêtes canoniques de l'Islam. Une petite virée sur les lieux nous plonge dans les senteurs et effluves enivrantes dégagées par les gâteaux du Ramadhan que proposent les nombreux magasins de ce quartier de la place des Martyrs fort connu, comme le sont ceux de Belcourt, Bir Mourad Raïs et autres quartiers du vieil Alger. Juxtaposant leurs étals près de ces pâtisseries, de nombreux commerçants offrent justement les produits bruts et ingrédients divers servant à confectionner les gâteaux de l'Aïd El Fitr qui va libérer les ouailles des restrictions alimentaires observées tout un mois durant. L'un d'eux, Khouya Ali, accoutré d'un «bleu shangaï» délavé, la tête ornée d'un couvre-chef pointu d'un blanc immaculé, et affublé, par ailleurs, d'un foulard palestinien en guise de traditionnel foulard de couleur pourpre, si cher aux vieux Algérois, s'affairait à présenter au mieux sa marchandise. Approché par L'Expression, Khouya Ali s'est prêté volontiers à quelques interrogations. Il nous a confié que «cette année, nos ménagères sont en avance. D'habitude, on n'observe ce mouvement que tardivement à la fin du Ramadhan». Prié de nous communiquer quelques prix des principaux fruits secs, dont «la princesse amande», maîtresse de tous les gâteaux traditionnels, il nous a indiqué que celle-ci «coûte entre 680 DA/kg, pour le produit local. Le prix des autres qualités, importées essentiellement des Etats-Unis, s'étale sur une fourchette de 740 à 800 DA/kg.» Pour les amandes effilées, qui donnent un «must» à nombre de gâteaux du point de vue décoratif surtout, il faut débourser un peu plus, soit 900 DA/kg. Les noix décortiquées tiennent le haut du pavé avec «pas moins de 1200 DA/kg, tandis que les noisettes, décortiquées également, sont proposées à 1100 DA/kg» a encore précisé notre interlocuteur. Parmi tous ces ingrédients, de couleurs et senteurs presque exotiques, se trouvait une graine oléagineuse de qualité qui sert aujourd'hui à donner un plus à nos gâteaux traditionnels. Il s'agit de la pistache. Jadis peu utilisée car d'importation, aujourd'hui elle est proposée à 2000 DA/kg décortiquée et à 1100 DA/kg avec coquille. La noix de coco, parent pauvre des recettes algériennes anciennes, s'offre à 250 DA/kg alors que les cacahuètes, ou «l'amande du pauvre», s'affichent autour de 200 DA/kg. Tous ces produits vont en harmonie avec divers autres ingrédients indispensables pour satisfaire nos papilles gustatives. Le sucre d'abord, qui est affiché à 85 DA/kg, la farine de blé tendre conditionnée en paquet d'un kilo, est proposée à 50 DA/kg, et le bidon de cinq kilogrammes de miel de sucre extraverti à 560 DA appelé «assila».