La consommation est devenue un signe ostentatoire et les Algériens n'ont pas de complexe à le montrer. Les pouvoirs publics qui ont décidé d'importer massivement viandes et certains produits agricoles, ont contribué au développement de ce phénomène. L'heure des comptes n'a pas encore sonné. L'addition sera lourde. D'autres dépenses attendent les chefs de famille. En l'occurrence, celles liées à la rentrée scolaire. Qu'importe! la fête continue! Il y a comme un air d'insouciance lié à cette liberté retrouvée. Celle dont les Algériens ont été privés durant plus d'une décennie de terrorisme aveugle. La société algérienne a fait sa mue. La globalisation a achevé le processus. L'Algérie est passée en un temps record d'une économie planifiée à une économie de marché et les Algériens semblent plutôt s'y être bien adaptés. La meilleure preuve est fournie durant ce mois de jeûne. Il est incontestable que les Algériens ont ripaillé et continueront de le faire durant ces derniers jours du mois de Ramadhan. Mois sacré par excellence et considéré avant tout comme le mois de la piété où tout bon musulman doit faire acte de pénitence, de sacrifice, de pardon et de générosité, il donne cependant, la nette impression de s'être transformé en événement festif: une grande bouffe. Le côté épicurien, jouissif, semble avoir pris l'ascendant sur l'aspect religieux. En ce sens, nos concitoyens n'ont reculé devant rien pour l'honorer convenablement. Justice doit leur être rendue! Rien n'a été prohibitif à leurs yeux. Pas même cette flambée des prix des fruits et légumes, des viandes blanches et rouges tant décriée, dénoncée à longueur d'année, notamment par la presse écrite. La saignée a bien eu lieu. Le pouvoir d'achat a été laminé. Les chiffres communiqués par l'Office national des statistiques à propos de l'inflation qui a atteint 5,1% au mois de juillet 2010, devront probablement être revus à la hausse en ce qui concerne le mois d'août. Les prix de la volaille ont connu une hausse de l'ordre de 15,8%, tandis que les prix de la viande rouge ont augmenté de 14%. Deux produits très demandés et largement surconsommés durant le mois de Ramadhan. Il faut signaler que l'importation massive de viande de buffle d'Inde, 4000 tonnes, et le déstockage et la mise sur le marché de 4200 tonnes de viande de poulet n'ont pas réussi à juguler la hausse des prix de la viande fraîche. Une conjoncture qui inquiète étant donné que le taux d'inflation n'est pas retombé sous la barre des 5% depuis 2008. Cela ne constitue guère une préoccupation pour le consommateur moyen qui se situe loin des standards de l'économie classique. Son souci est de revenir avec un couffin où ne manqueront pas les produits indispensables à la garniture d'une table de Ramadhan digne de ce nom: viandes blanches et rouges, diouls pour la confection des fameux boureks, pruneaux et raisins secs pour lham lahlou, les bouteilles de limonade de toutes marques, le thé et le café, les zalabias, kalb ellouz ou toute sorte de pâtisseries... qui accompagneront les longues soirées ramadhanesques. Les sorties familiales achèvent le décor de cette manifestation culinaire. Les trottoirs et certains locaux commerciaux sont transformés pour l'occasion en espaces de dégustation où l'on peut prendre un thé à la menthe, des boissons fraîches, savourer des gâteaux traditionnels mais aussi des grillades. Un créneau juteux dont sont friandes nombre de familles si l'on en juge par l'affluence observée au niveau de certaines terrasses. Des bouts de trottoir transformés en lieux de dégustation et qui valent de l'or. Les commerçants que l'on a interrogés sur le chiffre d'affaires de cette activité occasionnelle ont préféré garder le silence. L'argent serait devenu tabou au pays où tout est fait pour étaler les signes extérieurs de richesse. Comble de l'ironie, même la consommation est devenue un signe ostentatoire et les Algériens n'ont pas de complexe à le montrer. Les pouvoirs publics qui ont décidé d'importer massivement viandes et certains produits agricoles, ont largement contribué au développement de ce phénomène.