Plus qu'une coquetterie, l'usage du henné plonge ses racines aux sources des plus anciennes traditions. Dès la Nuit du Destin (Leilat el Kadri) et jusqu'au jour de l'Aïd, femmes, enfants, voire des hommes ont les mains ou les doigts, pour les plus discrets, teints en rouge orangé ou brun. On l'aura deviné, il s'agit du henné, dont l'usage remonte à d'anciennes traditions. En dépit des bouleversements sociaux, de la prolifération des salons de «haute coiffure», les mères de famille s'attachent toujours, dans les moindres recoins du pays, à utiliser le henné pour manifester la joie et la gaieté à l'occasion de l'Aïd et des fêtes religieuses. En effet, outre les fêtes de mariage et de circoncision, le henné qui est synonyme de joie et de gaieté, est immanquablement présent pendant les fêtes de l'Aïd el-Fitr et de l'Aïd el-Adha. Il fait partie, aux côtés des vêtements neufs et des pâtisseries traditionnelles, de ces petits détails qui font tout le charme de la fête, en Algérie et dans tout le Maghreb. Selon Rédha B., vendeur d'épices dans un vieux marché, la demande sur ce produit cosmétique traditionnel s'accentue en pareilles occasions et les mères de famille s'attachent à se procurer la meilleure qualité afin d'obtenir l'effet colorant souhaité qui doit, assure Rédha, être un «rouge virant au noir». Si certaines ménagères préfèrent acheter le henné sous forme de feuilles pour préparer elles-mêmes la poudre colorante, la plupart des femmes optent, selon Rédha, pour la poudre prête à l'usage, importée de certains pays arabes dont la Tunisie, le Yémen et le Soudan. L'usage du henné est plutôt séculaire, mais la manière de l'utiliser a bien changé avec l'apparition de motifs sur rubans adhésifs que l'on place sur les mains ou les pieds et sur lesquels on applique le henné (harkous) qu'apprécient énormément les jeunes filles, pour l'aspect tatouage qu'il procure. D'autres jeunes femmes utilisent des seringues pour dessiner les motifs désirés sur les pieds ou les mains à la manière soudanaise, vulgarisée ces dernières années auprès de la gent féminine par les multiples chaînes satellitaires arabes. Mère de famille, Mme Fatima N. affirme que le henné qu'elle utilise «hérité» de sa mère et de sa grand-mère, fait partie de l'incontournable cérémonial traditionnel de célébration de la fête de l'Aïd. «J'ai moi-même transmis cette pratique ancestrale à mes filles qui tiennent à leur tour à la pérenniser», affirme-t-elle fièrement. La tradition d'appliquer le henné à la main du nouveau-né et des tout petits est en outre systématiquement respectée par nombre de familles algériennes rurales ou citadines car, explique Hadja Khedija, le henné est «tendre» et il est de «bon augure pour le bébé et pour la famille». Ne dit-on pas que le henné est «trab el djenna» ou argile du paradis. Aussi, son emploi était déjà recommandé par le Prophète (Qsssl); aujourd'hui encore, les musulmans en général, et les Maghrébins en particulier le considèrent avec un respect quasi religieux. L'on accorde en outre à cette poudre colorante des vertus protectrices et curatives.