Khaled Hadj Brahim n'a pas usurpé son nom de King du raï en démontrant toute l'étendue de son talent, mardi dernier à Constantine, à l'occasion de son premier concert dans la ville des Ponts. Un «Istikhbar» vertigineux, puisé dans le répertoire de Cheïkh El Khaldi, signé de la voix de l'enfant de El Hamri, «flatté» de se retrouver dans la ville du malouf, a fini par venir à bout des appréhensions «météorologiques» du public qui n'avait dès lors d'yeux (et d'ouïe) que pour un King, «explosif». Sous le charme des influences raï bien connues des Constantinois et stimulés par la connaissance d'un répertoire appris sur le bout des doigts, le public présent au stade Chahid Hamlaoui (ex-17 Juin) a fait honneur à un artiste au talent incontesté qui s'est montré «unique», comme en témoigne le jeune Ramzi, un des nombreux fans de Khaled, venu avec une bande de copains célébrer leur idole. De jeunes spectateurs n'ont pas omis, à l'occasion, de recouvrir l'artiste du drapeau algérien, en hommage à la portée mondiale que Khaled continue à donner à la chanson algérienne. La soirée s'est poursuivie dans une parfaite communion entre l'artiste et ses fans malgré une pluie fine qui fouettait les visages et ce n'est qu'à regret que le spectacle prit fin au bout de 2 heures de show. Khaled, en vrai professionnel, a su donner aux jeunes qui se sont déplacés pour lui, créant une ambiance très chaude malgré un stade pas suffisamment rempli, au regret de tous. Un moment «historique» pour les Constantinois qui assistaient pour la première fois à un concert «on live» du King du raï, et qui ont trouvé que Khaled a été égal à lui-même avant de déplorer le manque d'information autour de cet événement, comme l'a signalé une spectatrice déçue que ses deux filles, de véritables fans du King, n'aient pu se déplacer de Skikda pour l'événement «si l'information avait bien circulé». Chebba, Melha, la Kamel, Didi, Trig el Lissi, Ana Oueld nakhla, autant de tubes qui ont fait les années d'or de la chanson raï et qui n'ont pas pris une ride, à voir l'engouement du public pour un menu de charme servi par un orchestre professionnel, sous la houlette d'un Khaled hyperinteractif qui a aménagé sa scène au goût de ses fans. Pluie ou pas, les gradins, même clairsemés, ont quand même vibré sous les sonorités endiablées et la voix superbe de Khaled, avant que le public ne se dandine, briquets en main, avec Sahra et ne danse sur les rythmes oranais authentiques en reprenant Rouhi ya Ouahran, Rouhi Besslama et, surtout, Trig el Lissi qui continue de marquer les générations d'adeptes du raï. Lors d'une conférence de presse animée, la ville à Constantine, le King du raï, Khaled Hadj Brahim, a déclaré n'être «qu'un artiste qui donne l'amour et qui essaie de transcender les contingences politiques pour être le plus rassembleur possible». Le jeu des questions-réponses l'a amené, entre autres, à aborder sa participation au concert d'ouverture de la Coupe du Monde 2010 en Afrique du Sud avec sa fameuse chanson Didi. Donnant moult détails anecdotiques sur cette participation qui a donné l'occasion à quelques six milliards d'individus, à travers le monde d'écouter cette chanson inspirée du patrimoine musical algérien, il explique qu'il a préféré participer pendant trois minutes au concert d'ouverture plutôt que de se produire pendant 30 minutes avec Chakira «en raison de la plus grande audience du concert». Khaled a également été questionné au sujet de l'ambiance ayant prévalu au Caire à la veille du fameux match Algérie- Egypte qui a coïncidé avec la date du concert qu'il avait animé, ce jour-là, avec le chanteur égyptien Mohamed Mounir, dans le but de détendre l'atmosphère entre les deux pays. «Je ne comprenais pas pourquoi, à la sortie du concert, j'étais pour la première fois suivi jusque dans ma chambre d'hôtel, et pourquoi des personnes sont entrées avec moi et me conseillaient de ne regarder que les chaînes de télévision égyptiennes à l'exclusion des autres, mais vous pensez bien que je ne me suis pas laissé faire, de plus, je n'ai pas tardé à recevoir de nombreux SMS m'informant de ce qui venait de se passer» (caillassage du bus des joueurs algériens, Ndlr). Et de poursuivre: «Mon ami Mohamed Mounir a reçu des pressions encore plus grandes à l'issue de la brouille sportive entre l'Algérie et l'Egypte, heureusement qu'il vit en Allemagne.» Sur le même sujet, Khaled rapporte encore qu'une semaine plus tard, il était invité à Las Vegas (Etas-Unis) pour un concert à la MGM où il était le 1er Arabe à y donner un gala. «Le P-DG qui est Egyptien m'a reçu avec tous les honneurs et m'a avoué qu'il avait évité de m'informer sur sa nationalité avant mon arrivée de peur que je ne décline son invitation. Durant le gala, on m'a lancé des drapeaux de tous les pays y compris celui de l'Arabie Saoudite que j'ai eu en mains pour la 1re fois, mais il n'y avait pas de drapeau égyptien, alors un membre algérien du public est sorti et en a acheté un et me l'a lancé, bien sûr, je lai accepté, je me suis drapé avec», a-t-il expliqué. Cheb Khaled a également rappelé, à cette occasion, son attachement au patrimoine musical algérien et maghrébin, signalant qu'il rêve de faire un jour une chanson qui regrouperait des chanteurs de chaque région du pays. Il a appelé, dans ce contexte, les jeunes artistes à ne pas se laisser décourager par les difficultés, à persévérer, à foncer et à s'inspirer de son exemple, lui qui a réussi tout seul et sans l'aide de personne à se faire une place et un nom dans le domaine musical. Féru de football, Khaled s'est dit, par ailleurs, attristé par la démission de Rabah Saâdane. «Le cheikh méritait une sortie bien plus honorable et je suis sûr qu'il existait d'autres solutions que celle-ci, il fallait seulement y réfléchir», a-t-il estimé.