L'objectif de cette manoeuvre est de faire imploser le groupe du Sahel et d'ouvrir, par ricochet, la voie à une intervention étrangère dans la région. Les chefs d'état-major des pays du Sahel ont pris la décision de «passer à l'action» dans la lutte commune contre les groupes armés d'Al Qaîda au Maghreb islamique. Lors de la réunion tenue avant-hier à Tamanrasset, les hauts responsables militaires de l'Algérie, du Mali, de la Mauritanie et du Niger ont affiché leur confiance et optimisme quant à un nouveau départ dans la lutte contre Aqmi. Eu égard aux nombreuses décisions prises - engagements non tenus - par les Etats concernés ainsi que des circonstances sécuritaires que traverse la bande sahélo-saharienne, on ne peut que s'interroger sur la concrétisation de cette action commune. Autrement dit, plusieurs paramètres s'invitent à l'équation et risquent de chambouler la mise en oeuvre de ce plan d'action. La rencontre de dimanche dernier est loin d'être la première. Les hauts responsables, aussi bien militaires que politiques, des pays concernés, ont eu déjà plusieurs concertations par le passé. Il s'agit, notamment, des réunions des ministres des Affaires étrangères qui se sont rencontrés, à plusieurs reprises, à Alger. A cela s'ajoutent les activités denses entre les chefs d'état-major. Les conclusions de ces différentes réunions vont toutes dans le même sens: mener une lutte commune contre les groupes armés en condamnant le paiement des rançons et en s'opposant à toute ingérence étrangère dans les affaires internes de la région. Hormis quelques actions timides, les engagements décidés à Alger sont loin d'être respectés par certains pays de la coalition à l'image du Mali, du Niger et de la Mauritanie. Le Mali a violé les accords bilatéraux. Sous la pression de Paris, Bamako s'est plié devant la surenchère d'Aqmi en procédant à la libération de quatre terroristes, dont deux recherchés par Alger, en vue d'obtenir la libération de «l'ex-otage» français, Pierre Camatte. Or, un accord algéro-malien stipulant l'échange des prisonniers - terroristes et personnes impliquées dans les affaires terroristes -, a été paraphé entre les deux pays. Idem pour la Mauritanie. Nouakchott a mené, il y a plus de deux mois, un raid au Mali avec la complicité des militaires français. Usant du droit de poursuite, la Mauritanie a ouvert ses portes à l'implication des forces étrangères. Le Tchad, quant à lui, a bien préparé sa piste d'atterrissage aux forces aériennes de ce pays occidental. Ce sont autant d'éléments qui rendent pessimistes quant à une éventuelle concrétisation de la stratégie commune de cette coalition. L'Algérie campe toujours sur sa position. Elle condamne le paiement des rançons et s'oppose à l'ingérence étrangère dans la région. A la lumière de ces données, la possibilité de voir cette décision passer à la trappe est probable. L'autre paramètre qui représente une réelle «menace» pour la coalition des Etats du Sahel est l'idée consistant à élargir la liste des pays de l'alliance anti-Aqmi. Le Mali souhaite une coopération des autres pays africains qui ne sont pas directement concernés par ce problème. Bamako invite en effet le Nigeria et le Maroc à les rejoindre. Des sources militaires maliennes justifient cette initiative par la mise en exergue de «l'expérience» de ces deux pays en matière de lutte antiterroriste. Le Royaume chérifien a protesté, à maintes reprises, contre sa non-participation aux conférences, politiques et militaires, qui ont eu lieu à Alger. Interpellé sur cette question, Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, a invité les journalistes, dans une de ses interventions médiatiques, à se référer à la carte géographique pour constater que ce pays n'est pas concerné par ces rencontres. On peut se demander donc, à quel titre le Maroc demande à assister aux réunions des pays du Sahel? Et à quel titre le Mali invite un pays non concerné par la crise créée par l'Aqmi? Il s'agit, sans doute d'une manoeuvre initiée par des pays extra-africains. L'objectif de cette opération est de faire imploser le groupe du Sahel et ouvrir, par ricochet, la voie à une intervention étrangère dans la région. Géographiquement, le Maroc n'est pas frontalier de cette zone de turbulences. Politiquement, il n'est pas membre de l'Union africaine. Ce n'est pas le cas du Nigeria qui est membre de l'UA et un pays limitrophe aux pays du Sahel. Rappelons que l'Union africaine encourage les regroupements régionaux et les propositions de lutte antiterroriste. Abuja pourrait être impliquée de ce point de vue mais pas le Maroc qui n'est pas membre de l'UA. Rabat ne pourra, par conséquent, prétendre assister aux réunions comme étant pays sahélien au détriment du Sahara occidental.