Mahmoud Mouloud et Rabah Mahmoudi, respectivement directeurs des maisons d'édition Dar El Ouai et Dar Kortoba, ont animé dimanche, à la salle Atlas, une conférence de presse où ils ont dressé un tableau mitigé sur le livre en Algérie. Une réalité qu'on sait d'emblée des plus catastrophiques. Le témoignage des deux intervenants n'a fait que confirmer le malaise dans lequel «baigne» le livre en Algérie. Evoquer le livre ne pouvait que déboucher sur les sempiternels problèmes rabâchés à longueur d'année nonobstant l'affaire du Sila qui a défrayé la chronique cette année. Mais quant à savoir si nos deux responsables de maisons d'édition approuvent ou non le commissaire du Sila, Smail Ameziane dans sa décision initiale d'interdire la participation des Egyptiens au prochain Salon international du livre d'Alger qui débute le 26 octobre prochain, on n'en saura pas plus. «Mon avis personnel ne compte pas. La décision revient au commissaire», dira M.Mahmoud Mouloud qui fera remarquer être quotidiennement en contact avec l'Union des éditeurs arabes. «Si l'ancien président de l'Union des éditeurs arabes, domicilié d'ailleurs au Caire affirmait auparavant que cette histoire relevait d'un conflit algéro-égyptien, aujourd'hui, le nouveau président soutient que c'est une affaire algéro-algérienne, donc les décisions reviennent au président de la République lui-même.» Exit donc le commissaire et le ministère de tutelle, qui d'ailleurs, ne s'entendent vraisemblablement plus à en croire leurs déclarations contradictoires sur la venue des Egyptiens. Tentant de cerner les problèmes qui minent le secteur de l'édition en Algérie, Mahmoud Mouloud fera remarquer que celle-ci a besoin de plus de professionnalisme et de lectorat, le grand absent selon lui. «Cela suppose de grands défis dans la société à l'orée du 21e siècle». Et de souligner que durant ces cinq dernières années, partant d'occasions sporadiques telles «l'Année de l'Algérie en France», en passant par «Alger, capitale de la culture arabe 2007», cette situation a connu une amélioration plus au moins notable selon lui et ce, grâce à la subvention et soutien du ministère de la Culture, mais aussi au plan quinquennal lancé par le Président Bouteflika,jusqu'à l'avènement de «Tlemcen, capitale islamique 2011». De 20 on est passé à 200 maisons d'édition, nous apprend-on. Un chiffre bouc émissaire mais point de commentaire sur la qualité de ces livre imprimés.. «Il y a un saut positif dans le domaine du livre. Il ne faut pas le laisser en proie aux idées rétrogrades. C'est un projet de société qui s'adresse à nos enfants et qui commence dès l'enfance, partant des bibliothèques de quartier. Il faut savoir ce qu'on veut pour nos enfants», a-t-il dit. Pour sa part, le directeur de la maison d'édition Kortoba a réfuté la décision du président du Syndicat national des éditeurs de livre (Snel), Ahmed Madi, de boycotter le 15e Salon international du livre d'Alger (Sila) s'il ne se déroule pas à la Safex (Pins maritimes), il fera clairement remarquer que «les déclarations tenues par le bureau exécutif du Syndicat national des éditeurs du livre, ne font pas l'unanimité des éditeurs car conformément à la loi 17, les membres devraient, en premier lieu, se réunir avec leurs collègues, ensuite organiser une assemblée générale pour prendre une décision officielle et commune des éditeurs à travers un communiqué qui sera signé par l'assemblée générale. Aussi, la moitié des signataires ne font pas partie du bureau». Nos deux éditeurs rappelleront que la réglementation du Snel oblige son président à organiser, au moins, une assemblée générale ordinaire chaque année pour débattre des rapports financier et moral et expliquer le programme de l'exercice prochain approuvé par le bureau. Ce qui n'a pas été le cas jusqu'à maintenant, selon eux, ajoutant que les éditeurs algériens sous la tutelle de ce bureau souffrent de gros problèmes dont certains, ont-ils noté, n'ont pas été payé depuis des lustres. «On revendique une réunion générale en bonne et due forme, sinon on décide de la faire nous-mêmes», dira M.Mahmoudi, rappelant également que ceux qui avaient demandé le boycott du 05 juillet avaient, il n y a pas si longtemps, accepté de s'y rendre. Une mascarade quoi! Et de se demander comment peut-on laisser un salon aux mains des seuls organisateurs et du public alors que l'éditeur est lui-même l'hôte de cet événement. «On a invité 143 maisons d'édition et ce chiffre peut augmenter. Il est inconcevable de laisser sa maison aux mains des invités lors d'un mariage. Au contraire, c'est à l'hôte de les recevoir. Pourquoi vouloir boycotter?» Revenant sur les principaux problèmes qui ont émaillé l'an dernier le Sila, à savoir l'humidité qui a beaucoup endommagé les livres et le manque d'espace au niveau des allées, notamment, nos deux éditeurs feront d'ailleurs remarquer que leurs doléances ont été écoutées par le commissaire du Sila Smail Ameziane. Celui-ci a affirmé avoir pris des mesures pour pallier les désagréments causés aux livres l'an dernier et faire regagner la tranquillité au niveau des 20.000m2 du Sila. Ayant gros sur le coeur, M.Mahmoud Mouloud, qui relèvera la débâcle dont fait l'objet souvent le livre au niveau de la douane, notera le grave préjudice dont il a été victime durant ces trois dernières années où de nombreux cartons ont été saisis et abandonnés au point de pourrir au niveau du port. L'éditeur dénoncera cette «mafia» qui échappe à tout contrôle. «Pourquoi chez nous faut- il qu'on devienne victime soit d'une gifle, soit d'un coup de pied à l'étrier?» Entre le marteau et l'enclume, nos deux éditeurs qui espèrent sortir le livre de cette situation anarchique pour le faire rayonner au plan international, notamment via la traduction - segment important pour sa diffusion- ne s'avouent pas vaincus pour autant, car estiment t-ils «il reste encore des choses à faire. Nous sommes novices dans le domaine comparé à des maisons d'édition célèbres et bien anciennes dont le nom est entré dans l'histoire. Le Centre national du livre c'est une réalité avec laquelle on se doit désormais de composer grâce à une collaboration effective! Le Salon du livre au Caire est un des rendez-vous majeurs dans le monde arabe. Or, le livre algérien souffre d'un manque de visibilité. On veut remédier à cela..». Affaire politique mais d'argent aussi, l'édition et la diffusion du livre n'en restent pas moins une question culturelle cruciale, hautement importante. Il est temps de prendre le taureau par les cornes!