La question d'incorporer la Turquie au projet de bouclier antimissile européen était au centre des discussions, a rapporté la presse turque, qui indique qu'Ankara maintient ses «réserves». La Turquie devra se prononcer sur sa participation au projet de bouclier antimissile de l'Otan, un casse-tête alors qu'elle mène une politique du «zéro problème» avec ses voisins, en particulier l'Iran, pays visé par ce système et soupçonné de fabriquer l'arme atomique. Les ministres turcs et américains de la Défense et des Affaires étrangères se sont rencontrés jeudi à Bruxelles en marge d'une réunion sur les grandes orientations de l'Alliance atlantique. La question d'incorporer la Turquie au projet de bouclier antimissile européen était au centre des discussions, a rapporté la presse turque, qui indique qu'Ankara maintient ses «réserves». A Ankara, le ministre turc de la Défense Vecdi Gönül a réfuté ce terme, se félicitant des «négociations» au sein de l'Otan sur ce vaste projet qui pourrait être opérationnel d'ici 2015. «Nous n'exerçons pas de pression sur les Turcs. Nous continuons à discuter», a déclaré jeudi à Bruxelles son homologue américain Robert Gates, cité par l'agence turque Anatolie. Le système d'intercepteurs de missiles, qui était un projet américain, a été récupéré par l'Otan dans l'objectif de convaincre certains pays réticents, comme la Turquie. Mais Ankara reste méfiant, craignant qu'une fois mis en place, le système aboutisse à détériorer ses relations avec Moscou et Téhéran, qui se sont nettement développés ces dernières années, estiment les spécialistes. Ankara doit trancher rapidement car le secrétaire général de l'Otan Anders Fogh Rasmussen souhaite finaliser cette question lors d'un sommet de l'Alliance prévu les 19 et 20 novembre à Lisbonne. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a rejeté toute pression sur son pays. «On ne nous a pas fait de demande à ce sujet, par conséquent il n'est pas question que nous soyons confrontés à un fait accompli», à Lisbonne, a-t-il déclaré vendredi soir. «C'est un dilemme pour la Turquie. D'un côté vous menez une politique d'amitié avec vos voisins, et de l'autre vous déployez des armes qui les visent», commente Sinan Ogan, du centre de recherches Türksam à Ankara. «La Turquie n'a pas encore arrêté sa décision, il y a des problèmes techniques à surmonter», souligne un diplomate turc sous couvert d'anonymat, affirmant qu'Ankara recherche les moyens de minimiser l'impact d'un «oui» en particulier sur l'Iran, la Russie n'étant plus a priori opposée au système. De source turque, on souligne que la Turquie réclame que le bouclier protège l'ensemble du territoire turc et non pas seulement les zones proches de l'Iran et des ex-républiques soviétiques, et qu'elle s'oppose à ce que le bouclier désigne un pays particulier, en l'occurrence l'Iran. Soupçonné de s'éloigner de l'Occident, le gouvernement conservateur du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan «est amené à prendre une difficile décision», qui en fin de compte sera probablement positive, estime M.Ogan. «Un ´´Non´´ ne servirait qu'à conforter l'idée que la Turquie s'éloigne en effet de l'Occident», souligne-t-il. La volonté du gouvernement turc de résoudre des différends anciens avec le monde arabe et l'Iran a suscité des interrogations quant à ses orientations. Son refus de voter des sanctions à l'ONU contre l'Iran et sa brouille avec Israël après l'affaire de la flottille humanitaire pour Ghaza, ont fait croître ces inquiétudes aux Etats-Unis, son allié de l'Otan. Les dirigeants turcs affirment quant à eux qu'ils restent attachés à l'Occident, tout en cherchant de nouveaux marchés autour d'eux. L'équation est d'autant plus délicate pour Ankara que Washington constitue un précieux allié, dans la lutte que mène l'armée turque contre les rebelles du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), fait remarquer Deniz Zeyrek, du journal Radikal.