Il y avait une majorité constituée de jeunes. Mais la présence d'autant de monde ne signifie pas systématiquement qu'il y a eu des achats massifs de livres. La majorité quittait le chapiteau les mains vides. L'affluence durant les deux premiers jours du salon, mercredi et jeudi derniers était importante. Tous les stands étaient pris d'assaut par les visiteurs, toutes catégories d'âge, venus plus pour assouvir leur curiosité. Il y avait certes, une majorité constituée de jeunes. Mais, la présence d'autant de monde ne signifie pas systématiquement qu'il y a eu des achats massifs de livres. La majorité quittait le chapiteau les mains vides. Certains, comme deux jeunes étudiantes en journalisme, ont acheté des livres de cuisine. «Ils ne coûtent pas cher. On en aura besoin pour préparer les gâteaux de la fête de l'Aïd el Adha», nous confie l'une d'elles. En effet, les livres de cuisine attiraient bien les foules. Mais, incontestablement, c'est le livre religieux qui a connu le plus de succès durant ce salon, à l'instar des éditions précédentes. Le prix de vente des livres religieux est très accessible comparativement aux autres domaines culturels, avons-nous constaté en parcourant les différents stands. La moyenne des prix concernant les livres religieux est de 250 dinars. Un prix qui est très loin de ceux qu'on retrouve dans les autres stands. Qu'il s'agisse des livres littéraires, de psychologie, d'économie et des livres universitaires, les prix sont tout simplement effrayants. Du moins pour les salariés et surtout pour les étudiants à l'intention desquels le Salon international du livre a été délocalisé de la Safex vers le stade du 5-Juillet. Des étudiants en psychologie s'attardaient jeudi dernier, dans un stand consacré aux livres de psy. Mais c'était juste pour voir, feuilleter pour finir par remettre le livre à sa place. L'un des futurs psychologues a tiqué quand la vendeuse lui a annoncé le prix du livre de l'incontournable Pierre Daco, intitulé Les prodigieuses victoires de la psychologie moderne. Ce livre ainsi que l'ensemble des autres ouvrages du même auteur, qui sont tous des best-sellers, sont cédés à plus de 900 dinars chacun! Dans le même stand, le visiteur peut trouver énormément de livres très utiles pour les étudiants en psychologie et même pour les psychologues en exercice, des ouvrages qui ne sont disponibles dans aucune librairie algérienne. C'est le cas par exemple d'un livre récent qui parle de la programmation neurolinguistique, une nouvelle technique très en vogue dans les pays développés et plus particulièrement aux Etats-Unis, mais là aussi le prix de vente dissuadera le plus passionné des livres: cet ouvrage est certes précieux et utile mais il coûte 1200 dinars et il est constitué d'à peine 200 pages. C'est dire que le problème des prix de vente pratiqués lors de ce Salon international du livre constitue vraiment une contrainte et un handicap majeur pour cette manifestation que l'Etat a le mérite d'organiser mais sans stratégie pour ce qui concerne l'accessibilité des prix. A moins que ce salon ne soit destiné, dans son volet commercial, uniquement aux riches. Sofiane, étudiant en journalisme à Ben Aknoun, qui nous accompagnait lors de notre ballade à travers les stands, est venu d'Aït Yahia Moussa, dans la wilaya de Tizi Ouzou. Lui aussi est surpris de découvrir que les prix sont hors de portée. D'ailleurs, il a fini sa visite en n'achetant aucun livre. «J'attendrai les derniers jours du salon, peut-être que les prix de vente des ouvrages vont connaitre une réduction», affirme-t-il, déçu. Le problème des prix touche aussi les livres produits localement comme ceux proposés par les maisons d'édition les plus importantes d'Algérie, à l'instar de Barzakh, Casbah, Chihab, Alpha, Apic et la liste est encore longue. On ne peut pas dire qu'un roman de 140 pages, cédé à 650 dinars n'est pas exagéré. Les éditeurs ont peut-être leurs raisons d'exercer ces prix: le prix du papier est excessivement cher et en plus, dans ces 650 dinars, il faudra prélever à la fois la marge du distributeur, celle du libraire et celle de l'auteur. L'éditeur risque en fin de compte de se retrouver avec des miettes. Il doit tabler sur la quantité pour rentabiliser n'importe quel ouvrage. Au stand des éditions Apic, entre autres, les nouveaux livres, sortis à l'occasion du salon, des auteurs Tassadit Yassine et Youcef Necib, sont cédés à 1000 dinars! Des prix que justifie le volume des deux ouvrages mais que ne comprendra pas forcément le lecteur potentiel. Ce dernier dépensera la même somme d'argent pour acheter un livre ou un kilogramme de viande. Le choix n'est pas facile à faire surtout lorsqu'on a des enfants à nourrir. Pas spirituellement, en priorité. Pour revenir au livre étranger, il est à déplorer que même les auteurs classiques dont les droits sont devenus publics, coûtent les yeux de la tête. C'est ainsi que le stand du représentant des éditions françaises de l'Aube propose une excellente collection de chefs-d'oeuvre du géant de la littérature russe Dostoïevski mais à quel prix! A titre d'exemple, le livre de cet auteur éternel, intitulé Humilié et offensé, est cédé à 1000 dinars! Tous les autres ouvrages du même écrivain sont vendus pas moins de 900 dinars. Le même stand propose aussi une dizaine de romans de notre auteur natinonal, Mohammed Dib mais malheureusement avec des prix hors de portée pour les bourses moyennes. Bien que l'Egypte ne soit pas présente à ce salon à titre officiel, il n'en demeure pas moins que le visiteur peut tomber sur de nombreux ouvrages d'auteurs égyptiens. Ainsi, tous les romans de l'écrivain qui fait le plus parler de lui actuellement, aussi bien en Egypte qu'en France et aux Etats-Unis, sont disponibles. Il s'agit bien entendu du romancier Alaa El Aswani. Nous avons trouvé sur les étals ses romans L'Immeuble Yakoubian et Chigago ainsi que son dernier-né, un recueil de nouvelles ironiquement intitulé: Si j'étais un Egyptien. Mais là aussi, les prix ne sont pas abordables. Ces trois oeuvres de haute facture littéraire sont proposés respectivement à 700, 900 et, tenez-vous bien, 1650 dinars. Seules quelques bonnes occasions peuvent encourager le lecteur comme dans le stand qui propose une bonne collection d'oeuvres de grands classiques français à des prix raisonnables. Ainsi, des oeuvres de Molière, Voltaire, Flaubert, Maupassant, Baudelaire et d'autres encore sont proposées entre 175 dinars et 220 dinars seulement. Un livre est proposé à 220 dinars. Il s'agit de «Bel Ami» de Guy de Maupassant que les futurs journalistes ne doivent pas lire tant qu'ils n'ont pas terminé leurs études car autrement, ils risquent de prendre pour modèle ce personnage médiocre.