Le public tunisien a pu apprécier, samedi soir, le nouveau film de Abdelatif Kechiche sur l'histoire vraie, douloureuse et tragique de la Vénus hottentote. Avant le palmarès final qui devait être donné hier soir dans le fameux théâtre municipal de Tunis, l'hôtel Africa a abrité, samedi soir, la remise de trois prix devant un parterre composé de journalistes, mais aussi d'invités du festival. Le Premier Prix d'une valeur de 1000 dollars, délivré par l'Union des réalisateurs du court métrage du monde musulman et présidé par l'Association du film court d'Iran, est revenu ex aequo à Amine Chiboub pour son film court Obsession et Salah Kouidri. Plus de 2000 films ont participé à ce concours. L'Iran est classé à la sixième place. Une présélection de films courts tunisiens, nous a-t-on indiqué, a été consacrée dans une revue pour le prochain Festival international du film court de Téhéran dans sa 27e édition. Le Deuxième Prix proposé lors de cette soirée est celui de la Fédération internationale de la presse et critique ciné (Fepreci). Il est revenu au superbe film sud-africain Shyrley Adams, rôle joué par l'excellente comédienne présente dans la salle, Denise Newman. Sur les 13 films en compétition, ce film poignant rafle haut la main cette distinction pour la sincérité du propos qu'il développe avec, en revanche, peu de moyens pour sa réalisation. Ce long métrage raconte le courage d'une mère abandonnée par son mari qui élève seule son fils devenu handicapé après avoir reçu une balle dans le dos par une bande de voyous. Un Troisième Prix enfin, celui de la Chambre syndicale des producteurs et de l'audiovisuel en Tunisie, qui a décidé d'instaurer un prix spécial comme soutien aux producteurs et aide au financement au projet en cours, est revenu à Daoud Ayoulad Syad en compétition aux JCC avec son film très original La Mosquée. L'histoire dévoile les péripéties d'un propriétaire de terrain qui se voit malgré lui dépossédé de sa terre après qu'une équipe de tournage ait construit une mosquée afin de servir comme décor dans le précédent film de ce réalisateur marocain, En attendant Pasolini. C'est l'acteur principal du film La Mosquée, le vieux Abdelhadi Touhrache qui recevra ce prix tout en se félicitant de ce soutien au cinéma arabe. Vénus noire de Abdellatif Kechiche Le réalisateur français d'origine tunisienne, Abdellatif Kechiche, vient de réaliser une nouvelle oeuvre cinématographiquement puissante, car elle interpelle plus que jamais les consciences. Diffusé dans une salle pleine à craquer Vénus noire qui vient de sortir en France a été présenté samedi soir, en avant-première aux Journées cinématographiques de Carthage en présence de la comédienne principale du film, la belle et plantureuse cubaine, Yahima Torres. Dans ce film, Kechiche réhabilite l'histoire de la Vénus hottentote, ramenée de sa région natale, Le Cap, vers l'Europe pour être donnée en spectacle. Ce film qui dénonce l'instrumentalisation de cette femme africaine présentée comme une bête de foire, laisse à réfléchir sur le fil contigu qui sépare la représentation du réel, dans le sens que lui donne le regard du spectateur. Paradoxalement, la Vénus hottentote qui se sentait quelque peu artiste et non avilie au départ, suscitera des remous au niveau légal, car non considérée comme une esclave, mais en tant que victime consentante. Or, l'humiliation oppressante que subissait cette femme ne laisse aucun doute sur le comportement raciste à son égard et démontre de façon frontale l'asservissement de cette femme par l'homme blanc. Être étudiée comme un animal par des scientifiques au XIXe siècle ne laisse aucun doute sur leur sentiment de supériorité vis-à-vis de la race noire. Le film retrace les étapes de la vie tragique de cette Vénus, Saartjie Baartman, sa dépendance de l'alcool et sa déchéance dans la prostitution jusqu'à tomber gravement malade, sans le sou pour se soigner et mourir. Lorsqu'elle meurt à 25 ans, ses organes génitaux et son cerveau sont placés dans des bocaux de formol, et son squelette et le moulage de son corps sont exposés au Musée de l'Homme à Paris. C'est seulement en 2002, que la France accepte de rendre la dépouille de Saartjie Baartman à l'Afrique du Sud. Bien qu'un peu long (près de trois heures), la Vénus noire est un film qui dérange, pousse au cri, au dégoût, à l'étonnement, à la révolte. Il dévoile d'autant plus combien l'homme peut être petit et ses instincts plus bas que terre. Le comportement de la Vénus paraît étrangement plus «noble» que celui de tous ces blancs réunis si l'on regarde bien certaines séquences et le comportement de ces femmes de bienséance, contrastant avec l'attitude stoïque de cette Vénus qui semble parfois extérieure à-elle-même, car étrangère à ce monde fait de cruauté et d'insoutenable légèreté...Un long métrage déstabilisant mais nécessaire. A voir. Ce film, selon certaines informations, sera bientôt sur les écrans tunisiens. En attendant, on ne peut que rêver.