Dix ans, c'est peu mais, dans le même temps, une halte opportune pour mesurer ce qui a été fait et ce qui reste à faire. Toutefois, cela n'est pas toujours évident lorsqu'il s'agit de mesurer le chemin parcouru, dans la fabrique d'un journal quotidien. Voilà donc, qu'en ce 11 novembre 2010, on se retrouve pour célébrer le dixième anniversaire de la fondation du quotidien national L'Expression. A l'époque, ce n'était déjà plus une aventure intellectuelle et, il faut bien l'avouer, l'enthousiasme né de l'ouverture du champ médiatique s'était quelque peu émoussé pour ne pas dire qu'il était retombé. Mais, la flamme pour la profession de journaliste, métier à nul autre pareil, demeurait cependant intacte. Aussi, lorsqu'en en juillet 2000, Ahmed Fattani me fit appel, me confiant son projet de remettre le fil sur le métier, je n'avais pas hésité - quoique bien calé dans ma semi-retraite - un seul instant à rejoindre l'équipe qu'il était en train de former avec, en point de mire, la perspective de faire autre chose, tout en restant dans la trajectoire qui a été la mienne depuis une quarantaine d'années, marquée par des passages à El Moudjahid et à Algérie Actualité. De fait, créer un nouveau journal dans un paysage informationnel saturé, était une véritable gageure. Un défi qui a été relevé avec bonheur, puisque le journal, outre de tenir un solide créneau, se positionne, dix ans après, parmi les cinq titres les «mieux-disants» en Algérie. Il suffisait donc juste d'y croire. On y a cru, en dépit du scepticisme des uns, des dérobades des autres. Certes, cela n'a pas été facile d'autant qu'il fallait toujours continuer à s'améliorer, à améliorer le contenu, à être toujours au plus près de l'information, la manière de la traiter, à se remettre en question. En sus du doute qui nous habitait alors à confectionner un bon produit qui puisse répondre aux demandes et aux attentes des lecteurs. L'équipe de L'Expression mise sur pied par Ahmed Fattani s'est donc attelée à fabriquer un journal moderne et diversifié. L'objectif que nous nous sommes assignés a-t-il été atteint? Avons-nous répondu à l'attente des lecteurs? En fait, seuls ces derniers sont juges du travail accompli. Le chemin emprunté par L'Expression, n'a certes pas été facile, jonché qu'il a été par les obstacles que le journal a eu à franchir. Mais qui parle de facilité lorsque notre challenge a été de présenter un journal le plus près possible des préoccupations des Algériens? Nous n'avons pas été toujours parfaits loin s'en faut. Cela a été cependant pour nous l'occasion de progresser, de travailler plus...La presse en Algérie n'a jamais été une sinécure, en fait. Aussi, dire, écrire, publier, voilà le dilemme auquel a été, et est confrontée la presse algérienne, dans un environnement qui n'a pas été, qui n'est toujours pas ou si peu, propice à l'éclosion d'une presse crédible, respectable et qui se fait respecter. Avec le recul, on peut dire que cette expérience a été enrichissante, car elle a soudé le groupe et suscité une solidarité exemplaire parmi les journalistes et travailleurs du journal. Ce genre d'expérience compte dans la vie d'une publication de quelque ordre ou tendance qu'elle se revendique. C'est évident. Si avec l'avènement de la loi d'avril 1990, l'étau s'est quelque peu desserré sur les libertés de dire et d'écrire, surtout d'écrire en fait, il n'en demeure pas moins que la liberté de presse et d'expression, reste sous étroite surveillance, n'est pas toujours en phase avec les mutations qu'a connues le pays ces dernières années. Aussi, une presse sans autorisation ni censure reste encore et toujours le leitmotiv des luttes qui n'ont cessé de mettre face à face pouvoirs et journalistes, en Algérie comme dans les pays en voie de développement. Alors que je me promettais de faire l'historique du parcours du journal L'Expression, ces dix dernières années, voilà que je me surprends à songer à un idéal journalistique qui ne peut seulement pas exister. Mais raconte-t-on un journal, quand il se raconte tout seul au fil des jours, des mois et des années? Au moment de conclure je vous livre à méditer ce jugement de Paul-Louis Courrier (écrivain et pamphlétaire français, 1772-1825) où il affirme: «Laissez dire, laissez-vous blâmer, condamner, emprisonner, laissez-vous pendre, mais publiez votre pensée. Ce n'est pas un droit, c'est un devoir, étroite obligation de quiconque a une pensée de la produire et mettre au jour pour le bien commun. La vérité est toute à tous. Ce que vous connaissez utile, bon à savoir pour un chacun, vous ne le pouvez taire en conscience. Parler est bien, écrire est mieux: imprimer est excellent.» Qu'ajouter, sinon qu'écrire encore et toujours, c'est la raison d'être du journaliste constamment en quête de l'information, denrée périssable mais combien précieuse dans la consolidation des libertés et des droits citoyens.