«Personne ne fera de l'argent sur le dos de la guerre de Libération!», a averti un responsable du ministère des Moudjahidine, lors d'une émission diffusée par l'Entv. Intervenant pour la première fois à l'écran pour expliquer la stratégie du ministère des Moudjahidine envers le cinéma, M.Abbas, directeur du patrimoine culturel et historique, a annoncé que cinq importants projets sur la Révolution ont reçu le soutien de son ministère et sont actuellement en cours de réalisation. Il s'agirait selon nos sources, du projet Zabana réalisé par Saïd Ould Khelifa, du projet Le point de départ sur le déclenchement du 1er Novembre de Ahmed Rachedi, du projet Akid Lotfi, réalisé par Djaâfar Gassem, du projet Bouguerra réalisé par Amar Mohsen et du projet Larbi Ben M'hidi dont le scénario a été écrit par Mourad Bourboune. Un autre film est en train d'être finalisé, il s'agirait du prochain film du lauréat de la Palme d'Or 1975, Mohamed Lakhdar Hamina, Corvée de bois, qui a déjà obtenu le soutien du ministère de la Culture. Le représentant du ministère des Moudjahidine a révélé surtout, l'intérêt grandissant de son ministère pour le cinéma de la Révolution et cela depuis la production du film Benboulaïd. M.Abbas a indiqué que depuis l'annonce du voeu du Président Bouteflika de produire des films sur la Révolution, 25 scénarios de longs métrages ont été déposés au niveau du ministère pour étude et aide au financement. «Même si le ministère n'est pas un spécialiste du volet artistique, son point de vue sur le volet historique et la reconstitution des faits sont très importants», reconnaît M.Abbas. Mais le représentant du ministère des Moudjahidine avertit: il est hors de question qu'on fasse du bizness avec l'Histoire. Il précise que ce n'est pas donné à n'importe qui de faire des films sur la Révolution, excluant tout intérêt pour des projets de récupération. Car, il faut le signaler, le ministère des Moudjahidine est le plus grand financier des films sur la Révolution. Considéré comme le troisième secteur le plus budgétivore après la Défense nationale et l'Education, le ministère des Moudjahidine accorderait entre 20 et 50 milliards de centimes à une superproduction sur la Révolution, ce qui est loin de ce que peut donner le ministère de la Culture ou la Télévision nationale au cinéma. De plus, certains réalisateurs et producteurs, qui sont en conflit ou en désaccord avec le ministère de la Culture ou l'Entv, se tournent vers le ministère des Moudjahidine, pour être produits ou engagés. M.Abbas a révélé aussi, au cours de son intervention dans l'émission de l'Entv, Niqache maftouh (Dialogue ouvert), auquel ont refusé de participer les réalisateurs Ahmed Rachedi et Benamar Bakhti, celui-ci étant l'auteur du film sur Bouaâmama, que le ministère des Moudjahidine ne possède pas les moyens d'une grande entreprise de cinéma, mais commence à s'organiser dans ce sens, expliquant qu'après la Palme d'Or de 1975, peu de films ont été réalisés sur la Révolution durant les années 80 et que la tragédie nationale est venue s'ajouter à l'arrêt de toute production cinématographique ou audiovisuelle entre 1990 et 2000, la production de Benboulaïd et de Hors-la-loi de Rachid Bouchareb, a relancé la production pour le cinéma de la Révolution. Dès lors, le ministère des Moudjahidine a entamé une étape de collecte des témoignages des moudjahidine afin de constituer un fonds historique important pour les historiens et les cinéastes. A ce propos, M.Abbas a annoncé que 360 titres sur la guerre de Libération ont été publiés ces dernières années. Il a indiqué également que des centaines de DVD du film Benboulaïd seront distribués à travers les écoles et les wilayas. En tant que producteur majoritaire dans le film Benboulaïd, il a indiqué que le ministère a projeté le film dans 26 wilayas du pays et que pour lutter contre le piratage du film dans les salles, le ministère a dû faire sortir rapidement la bonne version DVD. Il faut souligner que le ministère des Moudjahidine est en retard dans ce secteur important de la récupération du patrimoine national et audiovisuel de l'Algérie. En France, c'est le ministère de la Défense qui s'occupe depuis 1915, des archives historiques. C'est dans ce cadre qu'a été créé l'Ecpad (l'Etablissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense). L'Ecpad restaure, conserve et valorise un exceptionnel fonds d'images: 3 millions de clichés et 22.000 films. Cela concerne aussi bien le fonds des images de la Première et la Seconde Guerre mondiales, que la guerre d'Indochine, la guerre d'Algérie et aujourd'hui la guerre en Afghanistan. L'Ecpad français, qui alimente la majorité des documentaires faits sur la Révolution, dispose d'un fonds important sur la guerre d'Algérie. Plus de 115.000 clichés, correspondant à trois ensembles: le fonds d'Algérie qui regroupe l'ensemble de la production de la section du service cinématographique des armées entre 1945 et 1964 et, notamment les opérations militaires entre 54 et 62, le fonds du Bled, qui montre la vie quotidienne des militaires en Algérie et surtout, le fonds Flamant, qui regroupe les clichés pris par le sergent Marc Flamant, qui accompagna le colonel Bigeard et ses troupes du 3e et 8e Régiments de parachutistes durant la bataille d'Alger. De plus l'Ecpad, qui avait pour mission l'archivage, commence à financer depuis quelques années des projets importants de documentaires, en particulier sur la guerre d'Algérie. Mais représenter la guerre de Libération au cinéma, ce n'est pas seulement le financement et le soutien mais surtout un droit de regard, sur le scénario et la vérité historique. Aux Etats-Unis par exemple, le Pentagone, qui ne finance pas les films de Hollywood, possède un droit de regard, mais aussi de participation important sur les films de guerre impliquant l'armée américaine. Il possède une équipe d'experts et d'historiens qui donnent leur aval pour les projets et leur fournissent des conseillers militaires pour les scènes de guerre. Ce fut le cas pour le film Le Jour le plus long, qui a été coréalisé par l'anglais Ken Annakin, les Américains Darryl F. Zanuck et Andrew Marton ainsi que l'Allemand Bernhard Wicki, sur le débarquement en Normandie en 1944, La chute du Faucon noir, réalisé par Ridley Scott, sur la déroute de l'armée américaine en Somalie et surtout Les Démineurs de Kathryn Bigelow, qui montre les troupes américaines en Irak. En revanche, trois scénarios ont été refusés par le Pentagone, mais qui ont été tournés tout de même, Platoon d'Oliver Stone, Apocalypse Now de Francis F. Coppola et La Bataille pour Hiditha de Nick Broomfild. Le Pentagone ne pouvant pas accepter d'appuyer ces films qui montrent les dépassements de l'armée américaine au Vietnam et en Irak. C'est justement ce type de séquences qui inquiètent le ministère des Moudjahidine et qui lui posent problème pour la production d'oeuvres sur des personnages importants de la Révolution dont la mort est controversée comme Krim Belkacem, Abane Ramdane ou encore Amirouche.