Le spectacle donné, mardi soir, par le chanteur turc Ender Dogan, dans le cadre du 1er Festival international de l'Inchad de Constantine, a donné une illustration magistrale de la qualité artistique que peut atteindre le chant mystique arabo-musulman. Après le Tunisien Lotfi Bouchenak, le Syrien Mansour Zeïtar, le Marocain Rachid Ghoulam, Dogan passant allègrement de l'arabe au turc et vice versa, comme un véritable «natif» des deux langues, s'est révélé, de l'avis de l'assistance, un grand «moutrib», de la trempe des plus grands interprètes du tarab arabe, qui ont marqué l'histoire de la musique dans cette partie du monde. En plus d'apprécier la voix chaude et pleine de l'artiste, le public a longuement applaudi la prestation des cinq musiciens composant l'orchestre, en particulier le joueur du qanoun, celui-là même qui avait accompagné, la veille, l'ensemble du Marocain Rachid Gholam. Les prestations en solo de ce virtuose d'un instrument, aujourd'hui en voie de disparition en Algérie, ont enchanté le public qui lui a offert un standing-ovation. Contrairement au chanteur tunisien Lotfi Bouchenak qui avait délibérément limité son orchestre à un qanoun et un violon, lors du spectacle d'ouverture, Doan comme Rachid Ghoulam avant lui, a donné toute sa place à l'accompagnement instrumental. Les deux artistes ont d'ailleurs fait montre d'une grande complicité et d'une belle entente artistique puisque l'artiste turc a dédié sa dernière chanson à Ghoulam avant de l'inviter sur scène pour un duo «arabo-turc» des plus harmonieux, donnant la réplique en interprétant le plus ancien des nachids de l'Islam: Talaâ el badrou aleïna. Les membres des chorales algériennes de l'Inchad qui se sont produits ou qui attendaient leur tour pour monter sur scène, ont confié qu'ils ne sont pas contre l'introduction des instruments dans leur orchestre, et que s'ils ne l'ont pas fait, c'est par absence de moyens. «Nous espérons, dira le chef d'orchestre de la troupe Afak de Annaba, et tous ceux qui sont passés avant lui, qu'ils soient de M'sila ou de Saïda, pouvoir effacer de l'esprit des gens l'idée reçue qui montre le mounchid comme quelqu'un de figé, de replié sur lui-même et qui refuse l'innovation et la convivialité avec le public. Rien n'est plus faux», assurent-ils. «Le mounchid est d'abord et avant tout un artiste qui a choisi de prêter sa voix et son art à la parole propre, profonde et pédagogique.» Les festivals sont «certes les bienvenus, mais nous avons moins besoin de manifestations périodiques que de soutien en matière de formation, d'occasion de rencontres régulières et de moyens de travail», ont répété les membres de la troupe Afak de Annaba qui s'était produite en début de soirée. Auparavant, et lors d'une rencontre entre mounchidine et poètes, tenue au salon du théâtre, en présence du grand maître syrien Mohamed-Lamine Ettermidi, de jeunes artistes, à l'instar de Abderrahmane Bouhbila, Nacer Mirouh, Abdeldjalil Akrouf, et Youcef Soltane étaient très heureux d'exécuter des maqamate devant «le cheikh des cheikhs», Ettermidi.