Le 1er festival international de l'Inchad qui se déroule à Constantine depuis samedi dernier fait la part belle à la performance instrumentale et vocale, s'imposant, ce faisant, comme une manifestation musicale par excellence. Les textes interprétés par les troupes et les artistes qui se sont relayés sur la scène du théâtre régional de la ville relèvent tous, certes, du domaine du "Medh" et du mystique mais sans pour autant reléguer l'aspect musical au second plan. Première à monter sur scène, la troupe Errissala de Boussaâda (M'sila) a essayé de s'astreindre en matière d'accompagnement musical à des instruments de percussion basiques, comme le veut la tradition, mais la musique est très vite revenue "au galop" et le jeu du d'rabki (joueur de derbouka) du groupe s'est imposé autant que la voix du petit prodige Belkacem Serrai, vedette de la soirée d'ouverture. De pareilles "échappées belles" en solo se sont reproduites dans la soirée de lundi avec le d'rabki de la troupe El Kafila de Saïda, un virtuose de cet instrument à percussion dont les incursions en solo ne sont pas sans rappeler je jeu d'un batteur de Jazz. Le chanteur marocain Rachid Ghoulam, animateur de la 2ème partie de la soirée de lundi a, lui, tout simplement refusé le qualificatif, "réducteur" selon lui, de "Mounchid" qui renvoie, a-t-il estimé, à des chants religieux, pédagogiques ou patriotiques, bien rudimentaires sur le plan de la composition musicale. "Ce que je viens de chanter n'est pas de l'Inchad mais du chant mystique qui met en valeur les plus beaux textes de la littérature arabe classique", a-t-il dit. Venu avec un orchestre de neuf musiciens et deux choristes, Rachid Ghoulam, qui a donné un spectacle digne des plus grands maîtres de la chanson arabe dont il a repris, de fort belle manière, les chefs d'£uvres les plus célèbres, à l'instar des "Roubaïyat" (Quatrains) d'Omar Khayyam de "l'astre d'Orient", Oum Keltoum. Rachid Ghoulam, qui compte au sein de son orchestre un virtuose turc du Qanoun, n'a d'ailleurs pas hésité à laisser place à des interprétations en solo à ce "qanoundji", très appréciées du public, au même titre que celles des trois violonistes et du bassiste du groupe. Dans l'après midi de la même journée, le syrien Mohamed-Lamine Ettermidi, connu pour être une référence en matière d'Inchad, renommée qui lui a valu le surnom de "cheikh el mounchidine", a reconnu, au cours d'une conférence sur l'histoire de ce chant, qu'un mounchid est avant tout un musicien et un chanteur qui doit maîtriser les règles de l'art en plus de jouir des grandes qualités vocales requises pour ce genre de chant. Il a donné des exemples de maîtres qui ont marqué l'histoire de l'Inchad, également de très grands musiciens à l'instar de l'irakien Ali Mahmoud dont l'oeuvre a été une source d'inspiration pour le grand musicien égyptien Mohamed Abdelouahab, et de Othmane El Maoussili qui fut un grand virtuose du Qanoun, très apprécié du sultan ottoman Abdelhamid dont il fut l'un des artistes protégés. "La musique instrumentale va s'imposer de plus en plus à l'avenir dans le chant de l'inchad et nous ferons mieux de canaliser la tendance pour qu'elle demeure au service de textes propres et de bonne facture littéraire plutôt que de camper sur des positions de censeurs et de promoteurs de l'interdit", a souligné en substance le cheikh, rappelant que "le champ de l'interdit est très restreint en Islam". Mohamed-Lamine Ettermidi, précédé par sa réputation de grand connaisseur en matière de musique arabe dont il maîtrise, dit-on, pas moins de 90 maqamate, a déploré que la majorité des mounchidine d'aujourd'hui ignorent tout ou presque des fondements de cet art pour lequel, lui et ses pairs parmi les anciens, ont déployé des trésors d'efforts.