A l'image de l'Amérique, l'enquête, déclenchée au lendemain des attentats qui ont fait plusieurs milliers de morts, s'étend sur une aire géographique jamais atteinte par le passé. Aux USA, c'est la totalité du territoire qui est soumise aux investigations du FBI. Devant les obstacles d'ordre constitutionnel, en matière de «respect des libertés individuelles et collectives», les limites draconiennes de la loi américaine sur la garde à vue, l'Attorney général (ministre de la Justice) a adressé une demande officielle au Congress, pour assouplir les dispositions. C'est une restriction des libertés que les Américains pourraient accepter sans trop rechigner. Selon l'Attorney général, «il est plus facile de poser une écoute téléphonique chez un dealer que chez un terroriste». Quelles vont être les réactions de la Ligue internationale des droits de l'Homme (LIDH) et Amnesty International (AI), si promptes à dénoncer, «toute atteinte aux droits de l'Homme, où qu'elle se passe». En tout état de cause, pour l'administration américaine, la culpabilité de la Qaida est déjà établie. Ben Laden passe donc du statut de «suspect n°1» à celui d'accusé. Derrière cette certitude, les éléments que l'enquête a révélés ces dernières 24 heures convergent tous vers Ben Laden. Le FBI a interrogé deux hommes arrêtés le 11 septembre lors d'un contrôle routinier. Ils étaient en possession de cutters (lames tranchantes) et d'une somme en liquide de 5.000 dollars. Selon des sources policières, ces deux hommes seraient «liés à des réseaux de soutien et seraient déjà connus du FBI depuis l'affaire de l'USS Cole». Par ailleurs, deux hommes, à bord du B767 qui s'est écrasé sur le Pentagone, faisaient déjà l'objet de recherche par le FBI suite au sabordage de l'«USS Cole» dans le port d'Aden (Yémen) en 2000. Cet attentat avait été attribué à Ben Laden qui n'avait jamais ni revendiqué ni démenti. Selon News Week, Khaled El Midhar, l'un des membres du commando suicide de Washington, avait été «filmé à Kuala Lumpur, en Malaisie, en compagnie d'un homme impliqué dans l'affaire de l'«USS Cole» et proche de Ben Laden», qui a été, depuis, arrêté au Yémen. Mais le «témoignage», qui a le plus pesé sur la conviction du FBI quant à la culpabilité des réseaux de Ben Laden, est celui d'un ingénieur allemand, dont l'identité n'a pas été divulguée, et qui aurait travaillé sur «une commande de l'administration afghane pour la construction d'une structure vaguement située dans la chaîne de montagnes qui va de Jallalabade et Kandahar jusqu'à la frontière sud-ouest entre l'Afghanistan et le Pakistan». Les attaques américaines sur les bases de Ben Laden en Afghanistan, en 1998, l'ont convaincu qu'il ne pouvait plus être en sécurité, même chez les taliban. L'ingénieur allemand a redessiné, pour les besoins de l'enquête du FBI, les plans de la structure. Ce serait «un bunker géant, à l'image de celui dans lequel s'était réfugié Hitler à la fin de la Seconde Guerre mondiale». L'ingénieur précise que cette structure «ne pourrait être enterrée à plus de 50 m sous terre. Elle est constituée de plusieurs chambres reliées par des galeries, le tout desservi par plusieurs ascenseurs, cette forteresse produit sa propre électricité, grâce à des générateurs géants, sa propre eau, et est équipée d'un système sophistiqué d'aération...» Forts de ces renseignements, les stratèges américains ont déjà déterminé le type de frappe. «Ce sera un bombardement avec des bombes «foreuses», qui peuvent pénétrer jusqu'à 25 mètres de profondeur, détruisant tout dans un rayon de 150 mètres.» Encore faut-il localiser le site avec une précision suffisante. La mission est facilitée par «la présence d'armement lourd, destiné à faire face à toute attaque, terrestre ou aérienne. La forteresse dispose d'une autonomie totale d'au moins six mois, pour plus d'une centaine de personnes». Aux dernières nouvelles, Ben Laden aurait quitté sa résidence de Khandahar pour se réfugier dans les montagnes. Il aurait emmené ses femmes et ses enfants. Selon le quotidien pakistanais The News, qui donne l'information, «les taliban ne donnent aucune autre précision, et ne semblent pas disposés à répondre favorablement à la médiation de la délégation pakistanaise les invitant à livrer Ben Laden à la justice américaine».