La crise en Côte d'Ivoire, dont les deux rivaux se revendiquent présidents, semble s'être envenimée dimanche avec la nomination de deux Premiers ministres, malgré la médiation de l'ex-chef d'Etat sud-africain Thabo Mbeki. La pression internationale montait hier pour que la crise en Côte d'Ivoire, déchirée entre deux présidents proclamés, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, et bientôt deux gouvernements soit résolue au plus vite tandis que les incidents se multipliaient à Abidjan. La tension restait forte dans le pays: des jeunes pro-Ouattara sont de nouveau descendus dans les rues de la capitale économique, et le couvre-feu nocturne qui devait s'achever hier, tout en étant allégé de quelques heures, a été prolongé d'une semaine par Laurent Gbagbo. Alors que l'Union européenne faisait planer la menace de sanctions, la France a appelé à une transition «digne» du pouvoir. La chef de la diplomatie de l'UE Catherine Ashton, «est prête à suivre les procédures qui prévoient des sanctions s'il n'y a pas une résolution rapide à cette situation de crise» née du second tour de la présidentielle le 28 novembre, a indiqué hier une porte-parole. Le président français Nicolas Sarkozy a réaffirmé depuis l'Inde que «le président élu (était) Alassane Ouattara», et le Quai d'Orsay a estimé que l'heure était «à la recherche d'une transition ordonnée, sereine et digne». Sur place, l'ex-chef d'Etat sud-africain, Thabo Mbeki, dépêché dimanche par l'Union africaine pour tenter une médiation quasi impossible dans ce contexte, a eu dans la matinée une série de rendez-vous avec des acteurs de la crise et devait s'entretenir à nouveau avec le président sortant, Laurent Gbagbo avant de quitter le pays. La déchirure s'aggrave en Côte d'Ivoire entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, qui se déclarent tous deux présidents et ont chacun nommé un Premier ministre. Guillaume Soro, leader de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) qui tient le nord depuis le coup d'Etat manqué de 2002, a été reconduit par M.Ouattara au poste de Premier ministre qu'il occupe depuis 2007. Il détient le stratégique ministère de la Défense dans son gouvernement formé dimanche. Fort du soutien de l'Occident, ONU en tête, l'ex-Premier ministre Ouattara n'entend pas renoncer à la victoire qui lui était promise par les résultats de la Commission électorale indépendante (CEI), le donnant en tête avec 54,1% des suffrages. Mais M.Gbagbo, au pouvoir depuis dix ans, a ensuite été proclamé vainqueur par un Conseil constitutionnel acquis à sa cause, avec 51,45% des suffrages, moyennant l'invalidation de votes dans le nord FN. Le président sortant a, à son tour, nommé dimanche soir son Premier ministre, l'universitaire et économiste, Gilbert Marie N'gbo Aké. Le monde entier redoute un nouveau cycle de violences après des incidents meurtriers ces derniers jours. Hier matin, des jeunes pro-Ouattara ont manifesté dans les rues des quartiers d'Adjamé, Abobo (nord), Treichville et Koumassi (sud), mettant le feu à des pneus et érigeant des barricades avant que la police ne les disperse à l'aide de gaz lacrymogènes. A Treichville, plusieurs personnes ont été interpellées par la police et le calme était finalement revenu en fin de matinée, a rapporté une habitante. Près du grand marché du quartier très commerçant d'Adjamé, un gros nuage de fumée s'était formé à cause des pneus brûlés. Seule bonne nouvelle pour les Ivoiriens: les frontières, notamment aériennes, fermées depuis jeudi par l'armée régulière dans la zone sud qu'elle contrôle, ont été rouvertes hier.