L'Union africaine a décidé d'envoyer d'urgence, hier, son médiateur principal, l'ancien président sud-africain, qui va tenter de sortir la Côte d'Ivoire de l'impasse où elle s'est fourvoyée. L'ex-président sud-africain, Thabo Mbeki, envoyé en «mission d'urgence» par l'Union africaine, était à Abidjan hier pour tenter de trouver une issue à la grave crise post-électorale en Côte d'Ivoire, où Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara se revendiquent présidents. M.Mbeki est arrivé hier matin à l'aéroport d'Abidjan, a indiqué une source aéroportuaire, une exception à la fermeture des frontières, notamment aériennes, décidée cette semaine par l'armée dans un climat de forte tension. Il a été accueilli par la représentation diplomatique sud-africaine, en l'absence d'officiels ivoiriens, selon la même source. L'Union africaine avait annoncé samedi l'avoir envoyé en «mission d'urgence» pour «trouver une solution légitime et pacifique à la crise». Selon une source officielle ivoirienne, M.Mbeki devait rencontrer les protagonistes de la crise née de la présidentielle du 28 novembre, le sortant Laurent Gbagbo et son rival Alassane Ouattara, soutenu par la communauté internationale, qui se proclament tous deux chefs de l'Etat. Ironie de l'histoire: c'est sous la pression de M.Mbeki, alors médiateur, que M.Gbagbo avait validé, en 2005, la candidature présidentielle de l'ex-Premier ministre Ouattara, dont l'exclusion pour «nationalité douteuse» du scrutin de 2000 est au coeur de la crise ivoirienne. M.Gbagbo a été proclamé vainqueur de la présidentielle avec 51,45% des suffrages par un Conseil constitutionnel acquis à sa cause, qui avait invalidé les résultats de la Commission électorale indépendante (CEI) donnant son rival en tête avec 54,1%. Investi samedi lors d'une cérémonie au palais présidentiel, M.Gbagbo se pose en garant du «droit» et en défenseur intraitable de la souveraineté du pays qu'il dirige depuis dix ans, face aux «ingérences» étrangères. Mais son rival ne désarme pas et, nouveau coup de théâtre d'une folle semaine a, lui aussi, prêté serment samedi par un courrier adressé au président du Conseil constitutionnel. Alassane Ouattara s'appuie sur un très large soutien international. L'ONU, les Etats-Unis, l'Union européenne, la France, la Francophonie mais aussi l'Union africaine et la Commu-nauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) ont avalisé les résultats de la CEI et reconnu sa victoire. La Cédéao, dont la Côte d'Ivoire est membre, a prévu de tenir un sommet demain à Abuja. L'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN), qui contrôle le nord du pays depuis son putsch manqué de septembre 2002, est également du côté d'Alassane Ouattara. Chef du gouvernement de M.Gbagbo depuis l'accord de paix de 2007, le leader des FN Guillaume Soro a reconnu l'élection de M.Ouattara, à qui il a remis sa démission et celle de son gouvernement. Il a été aussitôt reconduit dans ses fonctions. Il y a urgence à trouver une solution alors que le pays, coupé en deux depuis huit ans, se retrouve avec deux présidents et que leurs partisans pourraient être tentés de se radicaliser, plongeant le pays dans le chaos. Déjà, des violences ont fait samedi au moins deux morts à Abidjan, mais des bilans non confirmés de source indépendante font état de victimes plus nombreuses. Dans la capitale économique, des centaines de sympathisants d'Alassane Dramane Ouattara ont crié samedi leur colère de ne pas voir «ADO» président, comme ils le surnomment, dressant des barricades et incendiant des pneus. Hier, des dizaines de pneus calcinés dans les rues rappelaient l'ambiance électrique de la veille, mais les quartiers populaires étaient calmes. Signe de l'inquiétude que la crise inspire à l'étranger, les Etats-Unis et la Belgique ont déconseillé à leurs ressortissants de se rendre actuellement en Côte d'Ivoire.