«Elle représente l'image de l'immigration en partage», dira, à propos de l'artiste, l'attachée culturelle de la Wallonie-Bruxelles. Elle s'appelle Sandra Zidani, 42 ans. Elle est belge du côté de sa mère et algérienne du côté de son père. Hier et avant-hier soir, elle s'est produite à l'auditorium de la Radio nationale Aïssa-Messaoudi où elle donna un one-woman-show, à la fois drôle et tendre. Pas si simple de transposer sa vie sur scène. Zidani l'a fait avec humour, sans grand fracas, ni bouffonnerie. Toujours dans la mesure, la retenue parfois, elle se laisse aller par moments à l'exubérance, mais nous narre son destin sans trop se prendre au sérieux. Il en résultera un spectacle magnifique, orignal, frais. Une convocation de l'humain. Bref,une gageure de mise à nu, toute en subtilité. Un voile d'intimité est levé sur Sandra. Elle n'est pas partie. Elle a toujours fait partie de nous. Mais commençons par le commencement. Sandra Zidani aime le public, les gens et cela se sent. Alors en spectacle, elle l'est dès le moment où elle enfile la tenue de son personnage (femme de ménage) et va discuter avec les spectateurs en haut des escaliers de cette salle qui vous donne le vertige (l'auditorium). Notre artiste reçoit même le public, en lui lançant des petits mots gentils ou plaintifs. Le spectacle a-t-il déjà débuté? se demande-t-on? Sandra Zidani descend quelques marches et face au public essaie de meubler tandis que le public continue à affluer. Elle nous fait découvrir la Belgique, «divisée en trois parties» puis Bruxelles et tente de nous la faire aimer. Elle évoque ses célèbres places que fréquentent les touristes, les noms des célèbres artistes belges mais égratigne le pays quand même. Le tout sous le regard attentionné de Laura Baeza, Son Excellence l'ambassadeur, chef de la délégation de l'Union européenne en Algérie. Au bout d'une demi-heure d'une supposée improvisation, elle nous quitte. La succède sur scène, l'attachée culturelle à la Wallonie-Bruxelles, qui soulignera le caractère particulier du spectacle de ce soir qui vient clôturer une série d'événements entrant dans le cadre de «Bruxelles à Alger-Identités partagées», «un regard sur l'immigration» que la délégation Wallonie-Bruxelles a décidé d'offrir au public algérois pour clore les activités culturelles qui se sont déroulées à Alger dans le cadre de la présidence belge du conseil de l'Union européenne. «Un regard sur l'immigration qui prend le contre-pied de l'idée selon laquelle l'immigration est un problème. Nous voulons la présenter comme une richesse», dira l'attachée culturelle. Aussi, après une exposition photo qui a porté un regard discret sur la vie des Bruxellois d'origine maghrébine dans quelques quartiers de la ville de Bruxelles, place à un spectacle d'humour qui raconte l'histoire d'un «Retour». A 40 ans, Sandra qui ne connaît pas le pays de ses origines, décide de s'y rendre enfin. Le jour du départ, la Belgique est paralysée par la neige, les vols sont annulés et le chaos s'installe dans l'aéroport. Chacun avec son histoire se retrouve figé dans son voyage. Sandra y fera de drôles de rencontres, insolites en se mettant dans la peau de nombreux personnages. Arrivée dans la peau d'un ange, elle nous racontera son destin, son cheminement jusqu'à l'arrivé en Algérie. Son père l'a quittée en 1948. elle décide d'y aller un 21 décembre 2009, soit une dizaine d'années après sa mort et après avoir ressenti ce désir viscéral de l'appel des racines. A 24 ans, l'Algérie s'est imposée à elle. Une sérénité mélangée à un besoin vital, mais étrange. «L'identité en héritage». «il a fallu 40 ans, dit-elle, pour comprendre que c'était le sentiment de mon père. Pour connaître une personne, demandez-lui son rêve...». L'aéroport bouillonnant de monde, Sandra rapporte ce qu'elle voit, les mots échangés avec ces personnes de passage qu'elle rencontre dans la salle d'attente, durant sept heures. Une vieille femme maghrébine rentrant au bled avec un excédent de bagages qu'elle refuse de payer, une snobe congolaise qui lui confie presque son regret du départ des colons en Algérie, un agent de sécurité alcoolique, mais aussi une vieille femme qui attend le retour de son mari depuis 11 ans et une hôtesse de l'air débutante, le tout agrémenté de chansons dont une en hommage à la ville d'Alger sur les airs de New York, New York, et Ce plat pays qui est le mien de Jacques Brel. Sandra prend plaisir à jouer donc, mais à chanter aussi. La tristesse se relaie parfois pour dire la nostalgie, la mélancolie, l'amour et le chagrin. Une chose est sûre, pour Sandra, elle n'a jamais pensé revenir car pour elle, elle n'était jamais partie! En Algérie, elle rencontrera ses oncles à Tizi Ouzou, reçu la baraka du village avant d'aller à Alger puis rentrer en Belgique où la nostalgie la rattrapera. Elle mettra ses photos sur Facebook pour mieux s'en souvenir. «J'aurais voulu faire ce voyage avec mon père. C'est avec vous que je l'ai fait», confiera-t-elle en fin de spectacle. Ce dernier se clôt avec les notes de musique Tizi Ouzou se lève d'Idir, avant que l'artiste Sandra Zidani demande au public de se lever et de danser sous les airs d'une chanson typiquement belge. Incongru, mais amusant était le spectacle Retour en Algérie. Ce dernier a été créé le 05 juin dernier au théâtre régional de Béjaïa. Il trouvera sa version définitive pour Bruxelles dès la rentrée 2011. Pour Sandra Zidani, l'humour est le déduit de la communication. Elle, c'est l'image de l'immigration en partage. Elle l'aura démontré avec talent ce soir-là!