Le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, s'est livré hier à la police britannique, et a été aussitôt arrêté en vertu d'un mandat européen délivré par la Suède qui réclame son extradition dans une affaire de viol. Cette arrestation constitue le premier acte d'une bataille judiciaire qui s'annonce longue et compliquée, selon ses avocats, d'autant plus déterminés à combattre l'extradition de leur client vers Stockholm qu'ils redoutent un engrenage judiciaire s'achevant devant les tribunaux américains pour divulgation de secrets militaires et diplomatiques par le site WikiLeaks. «Il a été arrêté en vertu d'un mandat européen à 09h30 GMT», alors qu'il se présentait devant la police, a précisé Scotland Yard dans un communiqué. «Il doit comparaître aujourd'hui devant la cour de justice de Westminster», a ajouté la police britannique. Un grand nombre de journalistes a immédiatement entrepris de faire le siège du tribunal situé à proximité de la chambre des Communes. Julian Assange devra répondre de plusieurs chefs d'inculpation dont celui d'agression sexuelle et viol pour des faits survenus en août en Suède, selon le communiqué. Selon ses avocats, l'Australien de 39 ans devenu l'ennemi public n°1 depuis qu'a éclaté le «cablegate» (la diffusion de câbles diplomatiques qui mettent en émoi nombre de gouvernements à commencer par les Américains) s'est rendu «de son plein gré», afin de faire valoir son innocence. Menant depuis des mois une vie de fugitif et s'efforçant de masquer ses traces, il se trouvait depuis des semaines dans le sud de l'Angleterre, selon les médias locaux. Un porte-parole de l'Agence officielle chargée de la lutte contre la criminalité (Serious Organised Crime Agency, ou Soca), a convenu que la procédure pourrait prendre plusieurs jours à plusieurs mois. En cas d'acceptation de la procédure d'extradition, le prévenu est déféré sous dix jours devant un juge. Il dispose d'un délai de sept jours pour faire appel. S'il y renonce, il est susceptible d'être extradé dans les dix jours suivant l'expiration du délai d'appel. Mais en cas de contestation, «la procédure peut durer des mois, avec des recours devant la cour d'appel et la cour suprême», a précisé la Soca. Les avocats puisent leur confiance dans une jurisprudence relativement favorable. Ainsi, en juillet dernier, le tribunal de Westminster a rejeté la demande d'extradition vers la Serbie de l'ancien président de Bosnie, Ejup Ganic, arrêté quatre mois plus tôt à Londres en mars en vertu d'un mandat d'arrêt pour crimes de guerre au cours du conflit en Bosnie de 1992-1995. Assange, qui se dit menacé de mort, redoute un «artifice politique» pour le réduire au silence et craint avant tout une extradition aux Etats-Unis. La justice suédoise dément cependant avoir cédé à des pressions américaines en vue de mettre la main sur le fondateur de WikiLeaks. Cependant, les Etats-Unis n'ont, à ce jour, pas trouvé le biais légal pour poursuivre le responsable de la diffusion massive de télégrammes diplomatiques particulièrement embarrassants. En attendant, WikiLeaks se débat contre une offensive tous azimuts allant des cyber-attaques en passant par des interdictions de domaines et interdits bancaires. Sans pour autant être réduit au silence, Julian Assange a assuré avoir pris toutes dispositions pour garantir la poursuite des fuites, quel que soit le sort qui lui sera réservé. «Tout est prévu, tout ça va continuer comme jamais. C'est tout ce que je peux vous dire», a confirmé hier James Ball, collaborateur de WikiLeaks. Selon les derniers télégrammes publiés hier par le Guardian, l'Otan a élaboré des plans destinés à protéger les trois Etats baltes (Estonie, Lituanie, Lettonie) de menaces venant de la Russie. Lundi, WikiLeaks avait diffusé une liste secrète de sites sensibles dans le monde que les Etats-Unis veulent protéger d'attaques terroristes.