Avec près de 700 morts, 2010 est de très loin, l'année la plus meurtrière pour les quelque 140.000 soldats de la force de l'Otan, aux deux tiers américains, face à des taliban. La stratégie américaine, marquée par d'importants renforts en 2010 puis l'annonce d'un retrait progressif à partir de 2011 en Afghanistan, et par un déluge de missiles visant Al Qaîda au Pakistan, n'a pas produit d'effets décisifs sur le front de la «guerre contre le terrorisme». Car, avec près de 700 morts, 2010 est de très loin l'année la plus meurtrière en neuf ans de guerre en Afghanistan pour les quelque 140.000 soldats de la force de l'Otan, aux deux tiers américains, face à des taliban qui, avec leur tactique de guérilla, ont gagné du terrain jusque dans le nord. L'objectif de Washington, repris cette année par l'Otan, de retirer leurs troupes de combats à partir de 2011 et de confier aux forces afghanes la responsabilité de la totalité de la sécurité du pays d'ici la fin 2014 est, pour les experts, au mieux optimiste, au pire utopique. Une image restera à l'esprit en cette fin d'année 2010: la visite-éclair début décembre du président américain Barack Obama, en pleine nuit et tenue secrète pour «raisons de sécurité». Il est venu dire à ses soldats qu'ils étaient en train de «briser l'élan des taliban» mais n'a pas quitté la base américaine pour se rendre à Kaboul et rencontrer son homologue afghan Hamid Karzaï, en raison d'une mauvaise météo selon la Maison Blanche. Cette visite furtive, raillée par les taliban qui ont moqué une «fuite d'Afghanistan en pleine nuit», illustre le contraste entre des déclarations parfois enflammées à Washington et la retenue des chefs militaires sur le terrain. Début décembre, le commandant des forces internationales, le général américain David Petraeus, a ainsi estimé que l'échéance de 2014 était une «perspective raisonnable», tout en estimant qu'il n'y avait «rien de certain». Quant aux zones tribales pakistanaises, frontalières de l'Afghanistan, elles sont toujours le quartier général d'Al Qaîda dans le monde et la base arrière des taliban afghans. Si les innombrables missiles des drones de la CIA y ont tué quelques cadres vite remplacés, ils n'ont pas tari la source des kamikazes susceptibles de frapper en Occident, comme l'ont rappelé l'attentat manqué de Time Square à New York le 1er mai, en partie fomenté au Pakistan selon les enquêteurs, de même que des attentats déjoués en Europe, selon les renseignements occidentaux. Sur le plan politique, le manque de légitimité du président afghan et l'impopularité du chef de l'Etat pakistanais, ainsi que la corruption qui gangrène leur pouvoir, continuent de semer le doute en Occident. En Afghanistan, les tensions sont encore montées d'un cran entre M.Karzaï, déjà réélu en 2009 grâce à des fraudes massives, et la communauté internationale, Etats-Unis en tête. Les commentaires de diplomates américains, ébruités par WikiLeaks, sur sa «paranoïa», sa «faiblesse» et la corruption de son entourage, en disent long sur cette défiance réciproque. Cette tension pèse sur le moral des Afghans, guère mobilisés lors des législatives de septembre (à peine 40% de participation), marquées elles aussi par des fraudes massives. Au Pakistan, la cote de popularité du président Asif Ali Zardari n'a cessé de chuter en raison de la corruption omniprésente et de sa passivité face au naufrage économique et à des inondations catastrophiques. L'Etat ne peut donc guère peser sur la toute puissante armée que Washington, qui injecte massivement des fonds au Pakistan, voudrait bien voir lancer une offensive dans les zones tribales.