La persécution des migrants subsahariens est dénoncée par les organisations non gouvernementales. Survivant à de périlleuses traversées, refoulés, abandonnés et frappés à mort ou jetés en mer, les migrants africains ne renoncent presque pas à leur voyage au péril de leur vie. Selon quelques estimations, il y a plus de 16,3 millions d'Africains qui vivent hors de leur pays. Cela représente 20% du nombre mondial. Selon les estimations du BIT, 10% d'Africains vivront, d'ici à 2025, en dehors de leur pays. Ce taux pourrait, toutefois, augmenter. Dans sa politique contre l'immigration clandestine, l'Union européenne a fait du Maghreb un bouclier contre la migration irrégulière de l'Afrique vers l'Europe. Ces migrants sont interceptés dans des conditions inhumaines puis violentés et refoulés avant d'atteindre les portes de l'Europe. L'enquête publiée par la Cimade avant-hier, est édifiante. Elle décrit le bouleversement et les violations des droits de l'homme provoqués par le contrôle des flux migratoires de certains pays d'Afrique du Nord-Ouest, à la demande de l'Union européenne. La Cimade, avec quelques associations locales, examine la situation dans ces régions d'Afrique de l'Ouest, aux frontières du Mali, de la Mauritanie et du Sénégal, où depuis 2006, une politique migratoire méconnue, mais néanmoins impitoyable, s'applique aux étrangers. En effet, depuis 2008, l'Union européenne externalise sa politique migratoire en offrant un «partenariat global avec les pays d'origine et de transit». Les pays concernés devenant les nouveaux gardiens de l'Union en contrepartie d'une aide au développement ou d'arrangements politico-diplomatiques. L'aide au développement est conditionnée à l'exécution d'objectifs en matière de contrôle migratoire. Cela est vérifié en automne 2006, quand l'Espagne versait 20 millions d'euros au Sénégal pour que ce pays réadmette 4000 de ses ressortissants débarqués aux îles Canaries. La France a également promis, en 2006, au Sénégal 2,5 millions d'euros pour des micro-projets en échange d'un accord sur la gestion «concertée» des flux migratoires. Quitter son pays est aujourd'hui considéré comme un délit. Pourtant, le droit de quitter tout pays, y compris le sien, est consacré par la Déclaration universelle des droits de l'homme. Les valeurs de liberté, d'égalité et de justice toujours souvent mis en avant, n'ont pas accompagné les arrangements et les accords passés avec les Européens. En Mauritanie, à titre d'exemple, tous les étrangers sont aujourd'hui susceptibles d'être arrêtés, enfermés sans pouvoir se défendre, et refoulés vers des zones hors du pays où rien ni personne ne les attend, et où ils sont condamnés à l'errance. Pire, cette situation rend les chemins de l'émigration encore plus dangereux, les candidats au voyage étant forcés de prendre des zones désertiques, infestés de passeurs peu scrupuleux qui délestent de leur argent ceux qui veulent rejoindre les rives de la Méditerranée ou de l'Atlantique pour passer en Europe. Dans une enquête sur «les conséquences des politiques migratoires européennes à la frontière Mali-Mauritanie», des témoignages racontent comment les Marocains repoussent systématiquement les migrants vers une zone minée en Mauritanie. Certains sont morts dans le désert. Les rescapés de la traversée du désert, quand ils ne sont pas jetés en mer, sont parfois battus à mort au Maroc ou en Mauritanie dans des centres financés par des pays européens. Selon les chiffres officiels espagnols cités dans le document de la Cimade, il y avait 2.264 migrants détenus dans les enclaves espagnoles en 2009 contre 31.678 en 2006, 12.478 en 2007 et 9181 en 2008.