Quelques jours après le massacre de Rafah, l'opération de Karkour est le résultat de l'impasse dans laquelle Sharon a engagé la région. Après les mères palestiniennes, en début de semaine à Rafah où l'armée israélienne a massacré des civils palestiniens, c'est maintenant aux mères israéliennes de pleurer leurs enfants victimes de l'opération de résistance palestinienne à Karkour, au Nord de Tel-Aviv. Une spirale de la violence absurde, s'il n'y avait au bout du compte ces innombrables victimes innocentes. Victimes en fait de la vision univoque que se fait Sharon de la paix dans une région meurtrie par un demi-siècle de violences israéliennes contre les Palestiniens. Ouverte par la profanation de l'Esplanade des Mosquées, de la part de l'actuel chef du gouvernement israélien, la spirale de violence au Proche-Orient ne semble plus avoir de fin. La communauté internationale, elle-même impuissante à jouer un rôle dans cette tragédie israélo-palestinienne, a été incapable, devant le refus israélien, d'imposer une force d'interposition entre les deux belligérants, laissant ainsi face à face deux adversaires incapables de communiquer et d'élaborer, ou de laisser les Nations unies organiser un plan de sortie de crise. En effet, condamner la violence (réciproque) israélienne et palestinienne, sans pour autant essayer de lui trouver une issue ne mènera pas loin, et laissera les choses en l'état et le champ libre à d'autres représailles israéliennes suivies de répliques palestiniennes. Aujourd'hui, il ne suffit plus de condamner les violences de part et d'autre, mais bien de s'intercaler entre les deux adversaires et d'imposer une solution conforme aux lois et droit internationaux de même que de l'obligation pour Israël d'appliquer les résolutions (pertinentes) du Conseil de sécurité et d'honorer ses obligations internationales. De fait, une sorte de loi du talion semble s'être instaurée entre les deux belligérants, un jour c'est moi, l'autre jour c'est toi. A l'évidence, cela ne peut plus durer et la communauté internationale et les Nations unies sont interpellées pour qu'enfin elles prennent leurs responsabilités pleines et entières dans le drame qui se déroule au Proche-Orient. Le Haut-Commissaire aux droits de l'Homme de l'ONU, Sergio Vieira de Mello, qui condamna la semaine dernière le massacre de Rafah, en a fait de même hier, pour l'opération kamikaze de Karkour, condamne «dans les termes les plus fermes l'attentat (...) et exprime sa profonde sympathie aux familles des victimes». Evoquant, lundi, le «tragique» conflit du Proche-Orient, devant le Comité antiterroriste du Conseil de sécurité de l'ONU, Sergio Vieira de Mello qui, selon le diplomate onusien, «engendre la haine, qui elle-même, inspire le terrorisme» a affirmé que «la force seule - en entraînant souvent de sérieuses violations des droits de l'Homme - ne peut briser cet enchaînement, au contraire, elle le renforce», indiquant: «Nous devons accorder notre attention en priorité à ce très long conflit (...) Chaque jour qui passe sans que l'on trouve une solution durable ébranle le droit à vivre en paix et en sécurité au Proche-Orient. Il ébranle aussi, la sécurité de nous tous», ajoute le Haut Commissaire des droits de l'Homme. Certes, la solution existe - préfigurée notamment par l'application (par Israël) des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité, votées respectivement en juin 1967 et en octobre 1973 et toujours en attente d'être mises en pratique - mais se heurte au triple non israélien : non à une frontière permanente entre Israël et les territoires occupés, non au retrait de l'armée israélienne des territoires palestiniens occupés, non à un Etat palestinien en Cisjordanie et à Gaza. Cette profession de foi est répétée par Sharon depuis son accession au Premier ministère en février 2000. C'est dire que la balle n'a jamais quitté le camp israélien, Et s'il y a eu une grande recrudescence de la violence dans les territoires occupés, et maintenant en Israël-même, cela est dû en priorité à l'intransigeance et à l'irrédentisme israéliens. En laissant le champ libre à l'Etat hébreu, Tel-Aviv prétendant être au-dessus des lois universelles applicables par l'ONU, la communauté internationale et les Nations unies ont, quelque part, démissionné de leurs responsabilités envers le peuples palestinien dont les droits sont déniés par Israël. La paix et la sécurité pour Israël, et partant tout le Proche-Orient, sont plus que jamais liées à l'érection de l'Etat palestinien indépendant. Ne pas comprendre cela, c'est laisser la voie ouverte à d'autres drames, d'autres tueries dans une région où le sang n'a que trop coulé. Lorsque Shimon Peres déclare devant le Parlement européen à Strasbourg, «que la solution doit être politique» ajoutant «(mais) nous ne pouvons pas fermer les yeux sur les actes de terreur qui rendent la solution politique irréaliste ou pas d'actualité», le chef de la diplomatie israélienne ment, à tout le moins par omission ne serait-ce que du fait que c'est son armée qui occupe illégalement un territoire que la communauté internationale reconnaît comme palestinien. Autant dire que la solution qui est effectivement politique n'est plus du ressort du seul Etat hébreu, mais relève plus de l'implication active de la communauté internationale et de l'ONU dans l'élaboration d'une solution définitive qui ne peut être que l'érection de l'Etat de Palestine. Les choses ont aujourd'hui atteint des limites elles qu'il n'est plus possible de laisser plus longtemps en tête à tête Israéliens et Palestiniens. L'ONU doit agir en commençant par imposer aux deux belligérants une force d'interposition formée de Casques bleus des Nations unies.