Après 55 années de mariage, dont 38 ans de guerre civile entre le Nord et le Sud, les Sudistes choisiront leur destinée dimanche prochain lors d'un référendum historique. D'un «adieu mon frère» murmuré l'âme en peine à un «bon débarras» hostile, les Nord-Soudanais prennent désormais conscience de ce qui était encore impensable il y a quelques mois: la sécession annoncée du Sud-Soudan. Après 55 années de mariage, dont 38 ans de guerre civile entre le Nord, musulman et en grande partie arabe, et le Sud, principalement chrétien et tourné vers l'Afrique noire, les Sudistes choisiront leur destinée dimanche lors d'un référendum historique. Dans les rues de la capitale sudiste Juba, la population piaffe d'impatience. Mais à Khartoum, cette perspective provoque un mélange de tristesse, de mélancolie et d'anxiété. «Tout le monde parle de la séparation ces jours-ci. Nous, au Nord, pensons que si nos frères du Sud se séparent, cela sera un vrai test montrant que l'unité n'a pas marché (...) Moi, je serai triste si le Sud se sépare», lance Isam Siddig, un jeune ingénieur. «Depuis que nous sommes jeunes, nous nous complétons (Nordistes et Sudistes). Ce sera une perte immense pour nous s'ils partent», renchérit son collègue Mahjoub al-Amin. Pendant la seconde guerre civile Nord-Sud (1983-2005), quatre millions de personnes ont quitté le Sud-Soudan, dont plus de la moitié ont trouvé refuge dans le nord du pays, notamment à Khartoum, véritable creuset de la diversité soudanaise. Des centaines de milliers de Sudistes vivant au Nord sont rentrés chez eux après la guerre - dont beaucoup tout récemment - une migration qui a fait prendre conscience à bien des Nordistes qu'un nouveau chapitre de l'histoire de leur pays s'écrivait sous leurs yeux. «Ce n'est pas facile de voir son pays se séparer, mais en même temps il y a une forme d'acceptation», explique l'analyste soudanais Faysal Mohammed Saleh. «Il y a six ou sept mois, l'idée de la séparation était rejetée par la majorité des Nordistes, mais au cours des derniers mois, les Nordistes ont commencé à accepter le choix des Sudistes», dit-il. Des responsables politiques à Khartoum, y compris le président Omar El Bechir, ont reconnu qu'une victoire de l'option sécessionniste lors du scrutin était probable. Le parti du Congrès national (NCP, présidentiel) n'a même pas fait campagne au Sud-Soudan pour convaincre les Sudistes de choisir l'unité, comme si la tendance de fond était trop lourde pour être renversée. Mais si certains Nordistes pleurent la sécession annoncée du Sud, d'autres s'en réjouissent. «Il y a des gens qui se disent tristes, mais moi je serai heureux. Je vais pleurer des larmes de joie lorsque le Sud va se séparer», assure al-Tayeb Mustafa, rédacteur en chef du journal controversé al-Intibaha et leader du «Forum pour la paix et la justice», un regroupement de politiques et d'intellectuels arabes hostiles au Sud-Soudan. «La racine du problème est la différence entre les deux identités», Nordistes et Sudistes, explique ce proche du président Bechir, pour qui les Sudistes ont «tenté d'imposer» aux Nordistes musulmans «la laïcité» au détriment de la charia, la loi islamique, et d'une identité arabe. Pour M.Mustafa, il faudrait même changer le nom du Soudan, qui vient du terme arabe «assouad», après la sécession du Sud. Dans les rues de Khartoum, plusieurs craignent cependant des affrontements entre Nordistes et Sudistes, gardant en tête les émeutes meurtrières de l'été 2005, après la mort du chef historique de la rébellion sudiste John Garang. «Les Sudistes peuvent choisir la sécession, mais nous, nous ne voulons pas de problèmes», souffle Moawiya al-Tayeb, un vieil homme déambulant dans les rues d'un quartier populaire de Khartoum.