Neuf immolations par le feu ont été enregistrées en Egypte, en Algérie et en Mauritanie après celui du jeune Tunisien décédé début janvier. Encore, deux jeunes Egyptiens se sont immolés par le feu au moment où les chefs d'Etat arabes arrivaient hier, en Egypte pour prendre part au 2e Sommet économique arabe. Hier, un avocat âgé d'une quarantaine d'années a tenté de mettre fin à ses jours avec le même mode devant le siège du gouvernement au Caire, tandis qu'à Alexandrie (nord de l'Egypte) un chômeur de 25 ans est décédé à l'hôpital de ses brûlures. Un cas supplémentaire a été évité le même jour, avec l'arrestation d'un homme qui se dirigeait vers le Parlement au Caire avec deux bidons d'essence. Avant-hier, un autre Egyptien avait tenté de se suicider par le feu devant le siège de l'Assemblée du peuple dans la même ville. Des actes de désespoir et d'une extrême détresse de cette jeunesse pour interpeller les gouvernants. Le cas du jeune marchand ambulant tunisien décédé début janvier après s'être immolé par le feu le 17 décembre a été suivi par neuf autres actes semblables dans différents pays arabes: un mort et deux blessés en Egypte, cinq blessés en Algérie (en plus de trois tentatives qui ont eu lieu avant-hier) et un blessé en Mauritanie. Ainsi, ce mode d'expression, cet acte de désespoir absolu pour dénoncer une situation de détresse sociale est utilisé, de plus en plus, par les citoyens de l'Afrique du Nord et du Monde arabe, en mal de perspective et d'écoute de la part des autorités. En Algérie, le phénomène de l'immolation par le feu prend des proportions alarmantes, devant le regard ahuri de l'opinion publique et des responsables politiques. La recrudescence de ces actes (huit cas en moins d'une semaine) ne doit laisser personne indifférent. Suicide ou sacrifice suprême, la question interpelle tout le monde. La détresse sociale pousse les malheureux à s'immoler par le feu de manière spectaculaire, comme ultime geste pour dénoncer leurs conditions sociales. Avant-hier, trois jeunes ont tenté de s'immoler par le feu pour interpeller les autorités locales et nationales sur l'impasse sociale dans laquelle ils végètent. Un jeune âgé de 23 ans a tenté de se donner la mort en s'aspergeant d'essence dans la daïra de Berriane, au nord de la wilaya de Ghardaïa. Secouru par des habitants, ses jours seraient hors de danger. Le même procédé a été également utilisé par un jeune à Mascara. Vendeur informel, il a été prié par des policiers de cesser son activité. Un cas similaire a touché aussi la wilaya d'El Oued, limitrophe de la Tunisie où un jeune père de famille de 36 ans, chômeur, n'ayant pas trouvé d'écho auprès des autorités, a tenté de s'immoler en présence d'un élu. Ce jeune qui réclamait un logement s'est vu refuser une rencontre avec le wali. Il semble que l'immolation du jeune Tunisien de Sidi Bouzid, à l'origine de la révolution de Jasmin qui a fini par chasser Ben Ali, a fait tâche d'huile en Algérie. Plus grave et plus inquiétant encore, vingt harraga ont tenté un suicide collectif, dans la nuit de dimanche à lundi après avoir été repérés par les gardes-côtes, en mettant le feu à leur embarcation de fortune. Ces trois cas s'ajoutent aux cinq autres enregistrés ces derniers jours dans différentes wilayas du pays. Jeudi dernier, un citoyen, A. M., 41 ans, et père de six enfants, a tenté de mettre fin à ses jours en s'immolant par le feu dans l'enceinte du siège de la daïra de Bordj-Ménaïel, à 30 km à l'est de Boumerdès. Vendredi soir, à 21 heures, un jeune de 26 ans, répondant aux initiales H.S., a eu recours au même procédé en plein centre-ville de Jijel, sur l'avenue Emir Abdelkader pour dénoncer la mouise qui le ronge au quotidien. Samedi, un jeune a mis le feu à la maison familiale à Alger pour protester contre sa condition sociale et demander un logement décent et digne d'une Algérie indépendante. A Tébessa, un jeune répondant aux initiales A. B., résidant dans la commune de Boukhadra, s'est immolé lui aussi pour protester contre le chômage. Dimanche, c'est un jeune de 34 ans de la wilaya de Mostaganem qui s'est suicidé, devant le siège de la Sûreté de wilaya de Mostaganem. Les parlementaires qui refusent un débat général sur la situation politique et à sociale doivent assumer leurs responsabilités face à l'impasse et l'horizon bouché de ces jeunes sacrifiés qui les ont élus. L'heure est à l'action. Les rencontres dans des salles fermées et les appels de détresse réduits à de simples faits divers ne font qu'exacerber le sentiment de révolte.