Devant les députés réunis au palais du Bardo, siège du Parlement à Tunis, le chef du gouvernement a exhorté les élus à préserver les acquis de la révolution populaire, qui a conduit à la chute de Zine El Abidine Ben Ali, le 14 janvier. Le Premier ministre tunisien Mohammed Ghannouchi, a appelé lundi les députés, réunis pour la première fois depuis la chute de Ben Ali, à autoriser le président intérimaire à gouverner par décrets-lois, contournant ainsi un parlement dominé par l'ex-parti au pouvoir. La bataille contre l'ancien tout puissant Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) avait franchi un premier palier dimanche soir, avec l'annonce par le ministère de l'Intérieur de la «suspension» du parti avant une «dissolution» prochaine. Devant les député réunis au palais du Bardo, siège du Parlement à Tunis, le chef du gouvernement a exhorté les élus à préserver les acquis de la révolution populaire, qui a conduit à la chute de Zine El Abidine Ben Ali, le 14 janvier. Un projet de loi en ce sens «va permettre au président intérimaire (Foued Mebazaa) de prendre des décrets-lois, conformément à l'article 28 de la Constitution», a déclaré le Premier ministre. «Le temps est précieux. Ces décrets-loi, la Tunisie en a vraiment besoin pour écarter les dangers» qui menacent les acquis de la révolution, a martelé Mohammed Ghannouchi. «Il y a des personnes qui veulent faire revenir la Tunisie en arrière, mais nous devons honorer nos martyrs, qui se sont battus pour la liberté», a-t-il insisté, appelant les 125 députés présents (sur 214 élus) à adopter le texte, qui devrait passer demain devant la Chambre des conseillers (Sénat). Les députés devaient se prononcer dans la journée sur ce «projet de loi portant habilitation du président de la République par intérim à prendre des décrets-loi», selon l'ordre du jour unique de la session. A l'extérieur du palais du Bardo, des centaines de manifestants se sont regroupés pour réclamer la «dissolution du parlement», dominé à 80% par le RCD de Ben Ali. Sous la pression de la rue qui réclame la disparition pure et simple de l'ancien parti au pouvoir et à des violences en province, le gouvernement de transition a tenté, dimanche soir, de désamorcer la contestation en suspendant le RCD et programmant sa dissolution prochaine par la voie judiciaire. Dans son communiqué, le gouvernement qui, depuis plusieurs jours, évoque un «complot» rampant qui serait l'oeuvre d'hommes de main payés par le RCD, a invoqué son «souci de préserver l'intérêt suprême de la nation et d'éviter toute violation de la loi». Concrètement, l'intouchable et tout puissant parti du temps du président Ben Ali, qui se targuait d'avoir 2 millions d'adhérents dans un pays de 10 millions de personnes, n'a pour l'instant plus le droit d'organiser de réunions ni de rassemblements, et tous ses locaux sont fermés. Mais nombre de ses cadres sont encore présents dans les administrations et la police. L'opposition redoute que le RCD, seul parti qui bénéficiait de structures partout dans le pays, ne rafle la mise lors des élections prévues dans six mois. Un délai, lui aussi, contesté, jugé trop court par nombre de formations politiques interdites sous Ben Ali. Cette offensive contre le RCD intervient dans un moment de fortes tensions dans diverses régions du pays (nord, sud et centre), alors que le gouvernement vient d'alléger le couvre-feu en vigueur depuis le 12 janvier, après un grand coup de balai à la tête de la police. Les nominations récentes de 24 nouveaux gouverneurs de provinces ont du mal à passer. Dans plusieurs régions, des manifestants ont réclamé leur départ quelques jours à peine après leur prise de fonction pour cause de «RCDisme». Le gouverneur de Gafsa (centre-ouest) a même dû quitter dimanche ses bureaux sous protection militaire. Plus au nord, la ville du Kef a connu un week-end d'émeutes, que des habitants attribuent à des provocations orchestrées par le RCD. Deux personnes ont été tuées samedi par un commissaire de police, l'immeuble de la police a été incendié deux fois, et des groupes de pillards ont semé la panique dans la ville.