Au terme d'une contestation populaire de 18 jours, le raïs a fini par céder sous la pression du peuple et mettre fin à ses trente années de règne. Explosion de joie à travers l'Egypte: fin de règne du dernier des Pharaons. Après 18 jours de contestation et de résistance, l'heure est à la joie, enfin. Des centaines de milliers de manifestants égyptiens se sont donné hier des moments de liesse et de joie après l'annonce, par le vice-président Omar Souleimane, de la démission de Hosni Moubarak de la présidence du pays. Intervenant à la télévision égyptienne, ce dernier a annoncé que le raïs a décidé, après 30 ans de règne, d'abandonner son poste et a chargé l'armée d'assurer la gestion des affaires du pays. «Compte tenu des conditions difficiles que traverse le pays, le président Mohammed Hosni Moubarak a décidé d'abandonner le poste de président de la République et chargé le Conseil suprême des forces armées de gérer les affaires du pays», a déclaré M.Souleimane dans une brève allocution télévisée. Victoire! Une annonce qui a libéré le peuple égyptien. La colère a laissé place à des scènes de liesse. C'est le grand jour tant attendu. «Le peuple a fait tomber le régime! Le peuple a fait tomber le régime!», scandaient les manifestants heureux sur les écrans des chaînes satellitaires étrangères. Certaines personnes se sont évanouies sous le coup de l'émotion, rapportent les agences de presse. D'autres serraient la main de soldats juchés sur des tanks postés autour de la place. Klaxonnant en signe de joie, des convois de voitures sillonnaient la capitale égyptienne, où des tirs en l'air ont été entendus. Près du palais présidentiel, où des milliers de personnes s'étaient rassemblées, les manifestants ont hurlé «Allah Akbar!» (Dieu est le plus grand), en s'enlaçant, en dansant et en lançant des youyous stridents. Ils ont fini par gagner le bras de fer qui les a opposés au régime en place. Autrement dit, après trois semaines environ de contestation, l'armée a sifflé hier la fin de la partie. La volonté populaire a triomphé puisque le président a jeté l'éponge. Cette démission est intervenue à la suite d'une série d'événements. Il y a eu juste avant ce départ, l'annonce par le porte-parole du Parti national démocrate (PND, parti au pouvoir) Mohammed Abdellah, que Hosni Moubarak avait quitté le Caire pour la station balnéaire de Charm el-Cheikh dans sa résidence secondaire. Pour sa part, le secrétaire général du parti au pouvoir en Egypte, Hossam Badrawi, nommé il y a à peine quelques jours, s'apprête à démissionner, selon un de ses proches. «Quand il a accepté le poste il y a quelques jours, il voulait assurer une transition pour une courte période, qui garantisse la réalisation des demandes du peuple», a indiqué à la presse un proche de M.Badrawi avant d'ajouter: «Maintenant que c'est fait, il va se retirer». La démission de Moubarak du poste de président de la République survient également après l'annonce, dans la matinée, par l'armée égyptienne qu'elle apportait son appui aux réformes annoncées par Hosni Moubarak dont la tenue d'élections «libres» et «transparentes», en appelant à un retour à la normale dans le pays le plus peuplé du Monde arabe avec 80 millions d'habitants.La veille, le rais avait prononcé un discours à la nation. Le désormais ex-président d'Egypte avait annoncé un bon nombre de concessions, tout en s'accrochant au fauteuil présidentiel. Il avait affirmé qu'il ne quitterait pas le pouvoir avant la fin de son mandat prévue pour le mois de septembre prochain, tout en déléguant ses pouvoirs au vice-président. Selon les observateurs, en louvoyant, le président cherchait seulement une sortie «honorable» et surtout en douceur. «J'ai décidé de déléguer au vice-président les prérogatives du président de la République conformément à ce que dit la Constitution», a déclaré M.Moubarak, la voix parfois tremblante, visiblement affecté», a-t-il dit. Ce discours, très attendu par les manifestants, a provoqué la grosse déception et la fureur des opposants au régime de M.Moubarak. L'heure est à la riposte populaire et au maintien de la pression. C'est, ainsi, que ces derniers ont appelé à une grande mobilisation appelée «le vendredi du défi». Dès l'aube, des dizaines de milliers de manifestants commençaient à descendre dans la rue au Caire, à Alexandrie, à Ismailya, ainsi que dans d'autres villes égyptiennes. Selon les agences de presse, deux millions d'Egyptiens ont manifesté hier. Le défi est lancé. La mobilisation devient de plus en plus radicale. Les manifestants prennent le contrôle des villes et même de quelques institutions de l'Etat. Le siège de la télévision nationale égyptienne et le siège de la présidence étaient devenus la cible des manifestants. La contestation s'accentue au fil de la journée. Les protestataires n'ont pas désarmé, ni démobilisé. Devant une telle pression, le raïs n'a pas trouvé mieux que de quitter le Palais présidentiel en allant chercher refuge à la station balnéaire de Charm el-Cheikh, dans le Sinaï, où le président possède une résidence secondaire. Un signe encourageant pour les manifestants. Le raïs poursuit ces concessions. C'est un «scénario à la Ben Ali», le président tunisien déchu. Après un troisième discours caractérisé par des concessions en cascade, Moubarak a fini par comprendre son peuple comme l'avait fait bien avant lui Zine El Abidine Ben Ali. Les événements se sont précipités et la télévision égyptienne a annoncé la diffusion d'un communiqué très important: le Pharaon est tombé.