Ils ont en commun d'avoir quitté le pouvoir sous la pression de leurs peuples. Le vent de la révolution souffle à l'est du Maghreb. Il aura eu pour conséquence d'avoir emporté, en l'espace de quelques jours, deux chefs d'Etat qui comptent sur l'échiquier politique régional. Le président tunisien a dû quitter dans la précipitation un pouvoir qu'il a exercé sans partage pendant près d'un quart de siècle (7 novembre 1987-14 janvier 2011). Aucune porte de sortie honorable ne lui a été ménagée: dans sa fuite désespérée il aura finalement trouvé refuge en Arabie Saoudite. Un paradoxe pour celui que les pays occidentaux présentaient comme un exemple et un modèle de laïcité, ainsi qu'un rempart sûr contre l'islamisme radical. Militaires de carrière, Zine El Abidine Ben Ali et Hosni Moubarak ont la particularité d'avoir été élevés au grade de général. Si pour le président tunisien aucun fait d'armes n'est à signaler dans cette ascension professionnelle, il en est autrement pour celui qui aura régné sur le pays des Pharaons pendant près de trente ans. Les deux guerres israélo-arabes (1967 et 1973) font de Hosni Moubarak un héros national. Il y gagne ses galons. Il est nommé commandant de l'Armée de l'air et devient vice-président de la République au mois d'avril 1975. Dauphin tout désigné d'Anouar el-Sadate, il succède au président de la République, assassiné en octobre 1981. Il se présente donc tout à fait naturellement à l'élection présidentielle qu'il remporte haut la main le 14 octobre 1981. Il se cramponne au pouvoir jusqu'à sa démission le 11 février 2011, emporté par une vague de protestation sans précédent dans l'histoire de l'Egypte contemporaine: la révolution du Nil. L'ascension de Ben Ali intervient dans un contexte bien particulier. Il dépose le président Habib Bourguiba «pour raisons médicales». Un coup d'Etat qui ne dit pas son nom. Il lui succède alors que la Tunisie donnait l'impression d'être en proie à un islamisme intégriste et à des tensions politiques qui menaçaient la stabilité du pays. Jusque-là les deux personnages qui ont été mis sous les feux de la rampe par les hasards de l'Histoire ont été perçus comme des sauveurs. Des hommes providentiels. Comme c'est souvent le cas pour les autocrates en puissance, le pouvoir fait tourner la tête. Dans le cas des chefs d'Etat tunisien et égyptien, il est tout simplement devenu une affaire de famille. Le modèle de gouvernance mis en place par Zine el Abidine Ben Ali a donné naissance à un système de corruption sur lequel a prospéré la famille de sa seconde épouse Leïla. Les Trabelsi se sont taillé une réputation de «clan quasi-mafieux». La fortune personnelle du président tunisien, estimée à quelque cinq milliards d'euros, n'est que le produit d'un système mis en place et qui consistait en des prises de pots de vin ou en des placements illégaux dans l'immobilier... Elle proviendrait quasiment de détournements de fonds amassés durant près d'un quart de siècle d'une présidence qui a mis à nu un modèle économique qui n'a profité qu'à une seule famille. Du côté du Caire, les déboires de Moubarak se sont accélérés à la fin de l'année 2000 avec l'implication de son fils Alaa dans des affaires de corruption dans le cadre d'attribution de marchés publics et de privatisations. C'est cependant, l'ascension de son second fils, Gamal, qui tiendra le haut du pavé. En gravissant les échelons du Parti national démocratique, il s'est imposé comme le successeur de son père à la tête de l'Egypte, ouvrant ainsi la porte à l'avènement d'une dynastie qui cache à peine son nom. De Tunis au Caire, les peuples en ont décidé autrement: la démocratie n'est pas une affaire de famille.