Depuis des mois, des régions du sud-ouest de Chlef sont devenues la cible d'attaques terroristes. Cette situation, qui avait, au début, intrigué les observateurs, a trouvé des éléments de réponse grâce aux renseignements fournis par la jeune fille enlevée au cours d'un raid et qui avait réussi à échapper à ses ravisseurs. Celle-ci avait révélé que ses bourreaux se terraient dans une cache implantée dans les monts qui surplombent la localité de Remka. Cette révélation suppose qu'il n'existe pas de poche terroriste active à Chlef comme le laisse deviner une première lecture des événements. On avait pensé, dans un premier temps, que le groupe auteur des massacres dans la wilaya serait implanté au Nord-Est sur les monts de Tenès, Gouraya et Beni Haoua. Or depuis les grandes opérations menées par l'ANP dans cette région, les groupes armés ont subi de lourdes pertes qui ont réduit considérablement leurs capacités de nuisance et les éléments rescapés ont été contraints de fuir leurs caches. Cette offensive avait permis de sécuriser de vastes étendues du flanc Nord-Est de la wilaya et par là même des axes routiers qui étaient considérés comme de véritables coupe-gorge il n'y a pas si longtemps. Depuis, toutes les incursions terroristes se sont déplacées vers les zones de la façade sud-ouest de la wilaya de Chlef. On avait pensé au départ à une stratégie de «contournement» utilisée par les terroristes pour faire croire à un redéploiement vers le Sud. Mais l'identification des terroristes éliminés au cours d'accrochages avec les services de sécurité a permis d'écarter cette thèse puisque la plupart étaient originaires des régions où ils activaient, connus de plus des habitants des douars disséminés entre Chlef, Boukadir jusqu'aux limites de la wilaya de Relizane. Ce constat est corroboré par les renseignements fournis par la rescapée de Hadjadj qui avait identifié, durant sa détention dans une cache située dans la région de Remka, plusieurs terroristes originaires de Chlef dont le sinistre Ould El-Leben. On avait pensé aussi que les attentats ciblaient les zones d'implantation des repentis de l'AIS. Mais cette hypothèse n'a pas tenu longtemps la route, car seules quelques victimes de massacres étaient des ex-éléments de l'AIS et leur zone d'implantation n'a pas fait l'objet d'attaques terroristes. L'idée d'actions ponctuelles destinées à faire basculer les repentis dans l'action violente avait fait son apparition, mais elle fut vite abandonnée, car rares sont les repentis qui ont repris le chemin des maquis dans la wilaya. Quelque temps plus tard, certains observateurs n'avaient pas manqué de faire le parallèle entre le terrorisme et le banditisme. Plusieurs hypothèses avaient alors été émises et on n'avait pas manqué de rappeler les propos tenus en 1998 par le leader du PT Mme Louisa Hanoune, qui avait soutenu que la mafia politico-financière voulait procéder au nettoyage de larges bandes de terres agricoles en vue de les récupérer un jour si la conjoncture politique venait à changer ou si une loi sur la privatisation des terres agricoles venait à être votée. Or cette hypothèse aussi ne pouvait être défendue, car les lopins de terre coincés entre Chlef et Boukadir ne constituent pas des espaces fertiles et n'ont qu'une faible valeur immobilière. Mais depuis quelques jours, un constat semble dessiner les contours d'une piste sérieuse. On raconte à Chlef que Ouled El-Leben est le fils d'un collaborateur qui aurait été liquidé par les forces de l'ALN en 1959. Son père et plusieurs membres de sa famille auraient servi le bachagha Boualem qui avait installé ses campements dans l'ex-Orléansville, l'actuelle Chlef. Ould El-Leben et certains de ses éléments originaires de la région mènent depuis une année une véritable vendetta contre les moudjahidine et leur famille qu'ils considèrent responsables de la dénonciation de leurs parents et de leur liquidation par l'ALN. Cela pourrait être vrai, car aucun motif logique ne justifie les derniers massacres perpétrés dans la région. Les familles ciblées sont pauvres et n'ont aucun bien connu. Certains de leurs membres sont des anciens moudjahidine connus dans la région. En outre, elles sont connues pour vivre du produit de leurs terres et ne se livrent à aucun trafic qui pourrait faire d'elles des cibles potentielles de groupes mafieux. Mieux encore, pour la majorité d'entre elles, elles n'ont pas constitué de groupes de GLD ou d'autodéfense pour se prémunir contre les attaques terroristes. C'est l'avis de plusieurs citoyens qui pensent que le GIA comme organisation rattachée à une direction politico-militaro-religieuse n'existe plus. Ses éléments, qui avaient rejeté l'offre de concorde civile, se livrent aujourd'hui à une guerre qui n'a pour principes que le banditisme, le racket et une vendetta contenue depuis des années.