Des milliers d'étudiants et d'avocats ont manifesté hier à Sanaa, réclamant la démission du président Ali Abdallah Saleh, qui tente de court-circuiter le mouvement populaire en hâtant un accord avec l'opposition. «Après Moubarak, Ali», scandaient les manifestants, comparant le président Saleh, au pouvoir depuis 32 ans, à son homologue égyptien Hosni Moubarak, chassé du pouvoir par la rue vendredi, après 30 ans à la tête de l'Egypte. «Le peuple veut la chute du régime», répétaient-ils, reprenant le principal slogan du soulèvement en Egypte. La manifestation, comme celles qui se sont tenues au cours des derniers jours, est organisée à l'initiative d'étudiants et de composantes de la société civile. L'opposition parlementaire, qui a décidé de reprendre le dialogue avec le régime du président Saleh, n'y est pas associée. A Taëz, au sud de la capitale, plusieurs milliers de personnes ont également réclamé un changement de régime, et huit personnes ont été blessées lorsque la police a dispersé cette manifestation, selon des témoins. A Sanaa, les étudiants, auxquels se sont joints une délégation de l'Ordre des avocats et des activistes, ont tenté de se diriger de l'Université de Sanaa vers la place Tahrir où se trouve le siège du gouvernement. Mais les forces de sécurité ont installé des barbelés pour les empêcher d'accéder à cette place où des partisans du pouvoir ont dressé des tentes et se sont installés depuis la semaine dernière. Selon des participants à la manifestation, des policiers, certains en civil, ont fait usage de matraques pour disperser les manifestants qui ont lancé des pierres en leur direction. Dimanche, une femme avait été blessée à Sanaa lorsque les forces de sécurité avaient dispersé une manifestation organisée par des étudiants, selon des témoins. L'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW) a demandé hier aux autorités yéménites de ne pas employer les pistolets à impulsion électrique Taser pour disperser les manifestants. «Des centaines de membres des forces de sécurité» ont dispersé dimanche la «manifestation pacifique antigouvernementale» à Sanaa «à l'aide de matraques et ont attaqué deux manifestants au moyen de pistolets Taser», selon un communiqué de HRW qui cite des témoins. L'opposition parlementaire yéménite n'a plus organisé de manifestation depuis une marche qui avait rassemblé des dizaines de milliers de ses partisans le 3 février à Sanaa. Elle a annoncé dimanche qu'elle acceptait de reprendre le dialogue avec le pouvoir, suspendu fin 2010, après les promesses de réformes annoncées par le chef de l'Etat. M.Saleh, habile tacticien, avait annoncé le 2 février le gel des amendements constitutionnels lui permettant de briguer un nouveau mandat à l'expiration du sien en 2013, et affirmé qu'il ne chercherait pas à ce que son fils lui succède. Son parti a appelé dans un communiqué hier à une réunion «avant la fin de la semaine» d'un comité des deux parties chapeautant le dialogue. Il a souligné que le dialogue devait reprendre au plus vite dans le but de «de former un gouvernement d'union nationale qui superviserait le processus de réformes constitutionnelles et la tenue d'élections législatives dans une atmosphère de liberté et de transparence». Le président yéménite, allié clé des Etats-Unis dans la lutte contre Al Qaîda, a par ailleurs reporté une visite aux Etats-Unis prévue fin février, en raison de la situation dans son pays. En moins d'un mois, deux chefs d'Etat arabes ont été chassés du pouvoir sous la pression de la rue, en Tunisie et en Egypte.